Archives pour la catégorie Actualité

24 août 2020: Jeûner et manifester pour soutenir les avocats turcs persécutés, grévistes de la faim depuis 6 mois

Jeûner et manifester pour soutenir les avocats turcs persécutés, grévistes de la faim depuis 6 mois

Depuis 2017, vingt avocats turcs appartenant à la Progressive Lawyers Association et au People’s Law Office font l’objet de poursuites judiciaires injustes. Elles sont justifiées par les autorités turcs du simple fait de l’exercice de leur profession par nos Confrères.

Connus pour avoir défendu des personnes considérées comme des opposants au gouvernement turc, ces avocats font l’objet de procès politiques.  Malgré la présence assidue d’observateurs internationaux, la justice n’est rendue ni de manière impartiale, ni de manière indépendante. Lorsque certains juges ont décidé de mettre fin à la détention préventive de nos Confrères, ils ont été récusés et les avocats à nouveau arrêtés. L’identité de plusieurs témoins est tenue secrète, ce qui empêche une contradiction effective de leur « témoignage ». De plus, certaines personnes ont été entendues à distance, par vidéo, empêchant de vérifier leur identité ainsi que leur libre arbitre. Les demandes de devoirs d’instruction complémentaires, formulées par la défense, ont systématiquement été rejetées. De surcroit, les avocats qui défendent nos Confrères incarcérés ont régulièrement été interrompus ou escortés hors de la salle d’audience durant les plaidoiries.

Suite à cette parodie de justice, nos Confrères ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement[1].

Les avocats Ebru TIMTIK et Aytac ÜNSAL ont ainsi été condamnés, respectivement, à 13 ans et 6 mois de prison et 10 ans et 6 mois de prison.

Depuis le 20 février 2020, ils sont en grève de la faim afin de dénoncer la violation de leur droit au procès équitable et la partialité du pouvoir judiciaire turc.

Ils ont annoncé une grève de la faim illimitée.

Après six mois, leur état de santé, aggravé par leurs mauvaises conditions de détention et la crise sanitaire, est critique.

Avocats.be, le Syndicat des avocats pour la démocratie (SAD) et de nombreuses autres organisations suivent de près la situation de ces avocats depuis le début de leur procès. Considérant les nombreuses violations du droit au procès équitable dont ils sont victimes et la gravité de leur état de santé, elles appellent à leur libération immédiate.

En solidarité avec Ebru et Aytac, des avocats belges ont décidé de jeûner lundi prochain et une manifestation est organisée ce lundi 24 août 2020, de 12h30 à 13h30, devant le consulat de Turquie à Bruxelles (Rue Montoyer, 4 à 1000 Bruxelles).  Ces actions sont soutenues par Avocats.be, le Syndicat des avocats pour la démocratie, l’Ordre français du Barreau de Bruxelles et la FIDH. Des récits d’opposants politiques emprisonnés seront lus tout au long de la journée.

Pour l’occasion, une page facebook a été créée : https://www.facebook.com/Avocats-belges-en-grève-de-la-faim-freeebruandaytac-105606254598444/

Ainsi qu’un évènement : https://www.facebook.com/events/242542586874927/?notif_t=plan_admin_added&notif_id=1597991084100232

[1] A l’heure actuelle, un appel devant la Cour Suprême de Turquie est toujours en cours.

Appel urgent à faire cesser la détention arbitraire des avocats turcs, grévistes de la faim depuis plus de 100 jours !

Appel urgent à faire cesser la détention arbitraire des avocats turcs, grévistes de la faim depuis plus de 100 jours !

 Il est urgent de faire cesser la détention arbitraire des avocats turcs, grévistes de la faim depuis plus de 100 jours. Il faut agir avant le 30 mai 2020, pour les raisons ci-après expliquées. Merci pour eux !

Vingt avocats, membres de l’Association des Avocats Contemporains, qui se sont illustrés pour avoir pris la défense

 des familles des mineurs massacrés à Soma et Ermenek,

  • des populations expulsées de leur maison car victimes de la transformation urbaine,
  • des familles des citoyens tués sous la torture dans les postes de police et dans les prisons,
  • de ceux jugés pour leurs opinions, des fonctionnaires, travailleurs et des défenseurs des libertés

 font l’objet de poursuites du fait de l’exercice de leur métier, depuis 2017. Ils sont  jugés sur base de vagues décalrations de témoins tenus secrets.

 Leur libération avait accordée mais, suite à l’appel du procureur, cette décision a été réformée par la Cour d’appel. De plus, les membres du Tribunal, qui s’étaient prononcés pour leur libération, ont immédiatement été relevés de leurs postes et déplacés. La pression est intense.

 L’incarcération de ces avocats a pour but de les condamner au silence et de faire oublier les affaires qu’ils plaidaient. Leurs clients, laissés sans défense, ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement, motivées politiquement, en violation du droit à un procès équitable.

Tout au long des audiences, visant les avocats incarcérés, les déclarations de leurs avocats ont été interrompues. Leurs micros ont été tout simplement coupés. Ils ont même été expulsés de la salle d’audience. Les demandes d’instruction supplémentaires ont été rejetées, avant même d’être présentées au Tribunal, qui a tout simplement décidé de ne pas les prendre en considération.

Les avocats turcs membres de l’Association des Avocats Contemporains ont été condamnés, en première instance, pour des motifs aberrants comme l’énumération du nombre de visites à leurs clients en prison, leur assuidité à assister leurs clients et même leurs demandes officilles d’obtention de copies des enregistrements vidéo contenus dans leurs dossiers. Leur condamnation est par ailleurs fondée sur les déclarations d’un témoin secret, relatant le contenu de prétendus documents qui n’ont jamais été versés, soustraiots dès lors à toute contradiction.

Les avocats Ebru Timtik et Aytaç Unsal, toujours en détention préventive et condamnés avec les autres avocats à un total cumulé de plus de 159 ans de prison fermes, ont décidé de faire une grève de la faim illimitée pour dénoncer le procès injuste dont ils ont fait l’objet et demander un procès équitable. Ils sont maintenant en grêve de la faim depuis plus de 100 jours leur système  immunitaire est considérablement affaibli.

L’ampleur de la pandémie du Covid-19, sa vitesse de propagation, les risques accrus liés au milieu carcéral, le fait que les audiences et les jugements sont suspendus, l’état de santé particulièrement précaire et les atteintes manifestes aux droits fondamentaux de ces avocats, jugés dans le cadre de poursuites politiques, imposent leur libération immédiate.

C’est la raison pour laquelle une requête urgente, en ce sens, va être adressée auprès de la Présidence de la 16ème chambre de la Cour de cassation turque.

Pour soutenir cette action, merci d’adresser un mail avant le 30 mai 2020, à serifecerenuysal@gmail.com en indiquant soutenir “The petition for the liberation of Selçuk KOZAĞAÇLI, Aycan ÇİÇEK, Aytaç ÜNSAL, Barkın TİMTİK,  Behiç AŞÇI, Ebru TİMTİK, Engin GÖKOĞLU” ainsi que vos coordonnées.

 

Mail type:

“ Objet : Petition for appeal

Hello,

I am writing following the call broadcast by the SAD for support for hunger strikers lawyers.

I hereby confirm that I want to be a signatory of the petition for the liberation of Selçuk KOZAĞAÇLI, Aycan ÇİÇEK, Aytaç ÜNSAL, Barkın TİMTİK, Behiç AŞÇI, Ebru TİMTİK, Engin GÖKOĞLU

 I am               Nom + Prénom

Profession/membre d’association/citoyen de X pays

Pays

Best

 

 

COVID-19 et Conseil du contentieux des étrangers : les personnes étrangères doublement discriminées

COVID-19 et Conseil du contentieux des étrangers : les personnes étrangères doublement discriminées

Notre pays connaît une période difficile. Le gouvernement doit disposer de pouvoirs pour traverser cette crise, mais dans le respect de nos principes fondamentaux.

Le S.A.D (Syndicat des avocats pour la démocratie), l’ASM (Association syndicale des magistrats), la LDH (Ligue des droits humains), l’ADDE (Association pour le droit des étrangers), et le CIRE (coordination initiatives pour réfugiés et étrangers) s’inquiètent de la dernière mouture du texte d’Arrêté royal de pouvoirs spéciaux qui prévoit le report de tous les délais de procédure, « à l’exception de ceux devant le Conseil du contentieux des étrangers ». Les délais seraient donc prolongés pour préserver les droits de la défense des justiciables, mais pas pour les demandeurs d’asile ou les candidats au séjour pour lesquels les délais de recours et de mise en état des dossiers resteraient d’application.

Un nouveau projet d’arrêté royal, relatif cette fois à la mise en place pour le Conseil du contentieux des étrangers (ci-après le CCE) d’une procédure électronique, crée une seconde discrimination entre les justiciables devant le Conseil d’Etat, et les juridictions civiles et pénales d’une part, et les étrangers requérants devant le CCE d’autre part.

Une première série d’informations au sujet de l’informatisation de la procédure devant le CCE avait été communiquée aux praticiens à la mi-février 2020. Le projet était toutefois à l’arrêt suite à la nécessité de modifications législatives et l’absence de gouvernement disposant des pleins pouvoirs. La crise sanitaire a bousculé l’agenda, justifiant l’octroi de pouvoirs spéciaux au gouvernement.

Trois systèmes coexistent actuellement afin de communiquer, par voie électronique, des pièces de procédure aux Cours et Tribunaux : le système « e-proadmin », gratuit et géré par le Conseil d’Etat, qui permet de communiquer des écrits au Conseil d’Etat ; le système « e-Deposit », gratuit, développé par le SPF Justice, qui permet de communiquer des écrits aux juridictions civiles et pénales ; le système « DPA-Deposit », développé par les Ordres des avocats (Avocats.be et OVB), payant, qui permet également de communiquer des écrits aux juridictions civiles et pénales. Les justiciables et leurs avocats, devant les juridictions civils et pénales, ont par conséquent le choix entre une plateforme gratuite et une plateforme payante développée par un acteur privé, cette dernière offrant par ailleurs d’autres options (communication entre avocats, notamment).

L’arrêté royal en projet vise à faire application de la DPA-Deposit devant le CCE. Cette plateforme privée et payante est imposée aux étrangers et à leur avocat, sans accès à e-Deposit. Par ailleurs, le CCE est une juridiction administrative. De par sa nature, il est comparable au Conseil d’Etat (par ailleurs compétent en cassation administrative des arrêts du CCE). Le système « e-proadmin » pourrait être adapté pour inclure les échanges avec le CCE. Ce n’est toutefois pas l’option étudiée par le gouvernement.

Une autre particularité du droit des étrangers retient l’attention. Les pouvoirs publics seront les principaux bénéficiaires des économies réalisées par le recours à une procédure électronique au CCE, vu les nombreux envois recommandés réalisés par le CCE, l’Office des étrangers et le Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides. Les coûts de mise en place et fonctionnement d’une procédure électronique au CCE devraient par conséquent être pris en charge par les pouvoirs publics, et ne peuvent reposer sur l’étranger, seule partie à la cause qui assumera les coûts de la DPA-Deposit.

Le développement d’une procédure électronique ne peut qu’être salué, surtout en cette période de confinement, mais pas s’il s’agit d’une procédure qui restreint l’accès à la justice, et qui discrimine les étrangers et leurs avocats.

La communication dans le cadre de la procédure électronique devrait être gratuite pour tout justiciable.

 

Signataires : le S.A.D (Syndicat des avocats pour la démocratie), l’ASM (Association syndicale des magistrats), la LDH (Ligue des droits humains), l’ADDE (Association pour le droit des étrangers), et le CIRE (coordination initiatives pour réfugiés et étrangers)

Contact presse : Sarah JANSSENS (pour le Syndicat des Avocats pour la Démocratie), sj@kompaso.be

L’Union européenne doit garantir le droit d’asile!

Déclaration commune sur la situation des réfugiés en Grèce

Les signataires ont pris connaissance de la récente décision du gouvernement grec d’augmenter les mesures de dissuasion aux frontières au niveau maximal, de ne plus enregistrer de demandes d’asile pendant un mois et de renvoyer vers leur pays d’origine ou de transit toute personne tentant d’entrer en Grèce de façon irrégulière, suite à l’annonce des autorités turques de ne plus retenir les réfugiés à leurs frontières.

Le premier ministre grec soutient que ces mesures sont prises en application de l’article 78.3 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne – qui n’autorise pourtant pas de prise de décision unilatérale.

Ces déclarations prennent place dans un contexte de violations massives des droits humains dénoncées de toute part dans le traitement des demandeurs d’asile qui sont retenus dans des hotspots surpeuplés dans les îles de la Mer Égée, qu’il s’agisse de l’accès à leurs besoins de base (logement décent, eau chaude, électricité, nourriture, chauffage, hygiène, santé…) ou de l’accès au droit (accès à un avocat, à une procédure équitable, à des recours effectifs contre les mesures de détention ou d’éloignement…), et des dysfonctionnements du système d’asile grec.

Le traitement des réfugiés et des demandeurs d’asile en Turquie a également fait l’objet de condamnation par des nombreuses organisations internationales de défense des droits humains, malgré les efforts des autorités turcques pour accueillir des milliers des réfugiés depuis le début du conflit en Syrie en 2011 et mettre en place un nouveau système d’asile. Ces organisations ont dénoncé en particulier le refoulement d’un grand nombre des réfugiés vers le nord de la Syrie, une zone qui a été décrite comme un « cauchemar humanitaire », où les populations civiles sont exposées à un risque imminent et grave de violation de leurs droits.

Les signataires condamnent fermement toute atteinte aux droits fondamentaux des personnes cherchant asile dans l’Union Européenne. En aucun cas, la protection des frontières extérieures de l’Union Européenne ne permet à ses États membres de s’exonérer de leurs obligations découlant du droit européen, y compris de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de la Convention européenne des droits de l’homme ou de la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés, qui prohibent les atteintes au droit à la vie, la soumission des individus à des traitements inhumains ou dégradants et le refoulement des demandeurs d’asile et qui garantissent le droit à l’asile et à la protection internationale pour toute personne en mouvement. Ni la suspension de l’enregistrement des demandes d’asile, ni les pratiques de pushbacks, ni les renvois expéditifs vers les pays d’origine ou de transit des demandeurs d’asile, ni le confinement dans des camps surpeuplés sans accès aux besoins de base et sans accès à des recours effectifs ne sont compatibles avec le droit international et européen des droits de l’Homme.

Les signataires tiennent à rappeler que l’Union Européenne « se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l’État de droit », ainsi que l’énoncent le préambule de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne et l’Article 2 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne

Les signataires invitent

  • les institutions européennes et les États membres, dans le cadre de l’application de l’article 78.3 du Traité, à prendre des mesures urgentes de répartition des demandeurs de protection internationale – tant ceux qui arrivent que ceux qui séjournent déjà dans des camps surpeuplés –, dans le respect des principes de responsabilité, de solidarité et de dignité, afin de garantir un accueil adéquat et l’accès au droit d’asile pour tous ceux qui atteignent le territoire européen ;

  • les institutions européennes et les États membres à garantir à tous ceux et à toutes celles qui atteignent le territoire européen l’accès immédiat au droit d’asile, et à s’abstenir d’adopter et/ou à condamner et sanctionner toute loi ou mesure visant à suspendre l’application de ce droit, et à refouler des demandeurs d’asile vers des pays où il risquent d’être exposés à des violations des droits humains, en violation flagrante du droit international et européen, y compris dans le cadre de l’application de l’article 78.3 TFUE ;

  • les institutions européennes et les États membres à faire application de la directive 2001/55/CE spécifiquement prévue en cas d’afflux massif de personnes déplacées, afin que ceux-ci puissent bénéficier d’une protection temporaire ;

  • les autorités grecques et turques à cesser toute mesure mettant en péril la vie et la dignité humaine ou visant à user de la force contre des personnes déplacées, en violation du droit international et européen, et les institutions et agences européennes à condamner et sanctionner ces pratiques plutôt que les soutenir ;

  • l’Union Européenne et ses États membres à réviser leur politique migratoire visant à externaliser la responsabilité de la gestion de la migration à d’autres pays qui n’offrent pas des garanties suffisantes de respect des droits humains ;

  • toutes les parties impliquées à respecter les droits humains et l’État de droit, tels que garantis par les Traités et le droit international et européen des droits humains et des réfugiés.

Liste des signataires

UIA- IROL ( Institut pour l’État de droit – Union Internationale des Avocats), la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH), l’Association Européenne des Juristes pour la Démocratie et les Droits de l’Homme (EJDH), les Avocats Européens Démocrates (AED dont le SAD est membre), la Ligue Hellénique des Droits Humains / Ελληνική Ένωση για τα Δικαιώματα του Ανθρώπου και του Πολίτη (ΕλΕΔΑΠ), Human Rights Association (Turkey) / İnsan Hakları Derneği (İHD), la Ligue des Droits Humains (Belgique francophone), l’Association Syndicale des Magistrats (Belgique), Avocats Sans Frontières (Belgique),  le Barreau de Cassation de Belgique, l’Ordre des Barreaux Francophones et Germanophone de Belgique (AVOCATS.BE), les Barreaux de Bruxelles francophone, du Brabant Wallon, de Charleroi, d’Eupen, de Huy, Liège,  Mons, Tournai et Verviers (Belgique) et le Barreau de Luxembourg.

Fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, un arrêt en demi-teinte de la Cour constitutionnelle

Arrêt de la Cour Constitutionnelle n° 22/2020 du 13 février 2020  relatif à la contribution de 20 euros au fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne

Le 19 mars 2017 et 26 avril 2017 deux lois instituant un fonds budgétaire relatif à l’aide juridique et réglant les modalités de contribution audit fonds ont été votées.

Le système institué vise à faire supporter par ceux qui comparaissent en justice les frais relatifs à l’aide juridique de deuxième ligne, en les obligeant à verser un contribution financière à un « Fonds », destiné à prendre en charge lesdits frais. L’idée est donc celle du « consommateur-payeur ». Le système mis en place en 2017 implique ainsi une augmentation supplémentaire des frais liés aux actions en justice, rendant ainsi la Justice encore plus inaccessible financièrement.

Ce constat avait poussé  l’ASBL « Syndicat des Avocats pour la Démocratie », l’ASBL « L’Atelier des Droits Sociaux », l’ASBL « Ligue des Droits de l’Homme », l’ASBL « Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté », l’ASBL « Réseau wallon de lutte contre la pauvreté » et l’ASBL « Association Syndicale des Magistrats » à introduire un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle.

Un arrêt en demi-teinte …

Dans son arrêt du 13 février 2020, la Cour Constitutionnelle indique que la contribution de 20 euros ne peut être considérée « en soi » comme un obstacle insurmontable à l’accès à un juge. La contribution est justifiée et n’entrave pas de manière disproportionnée le droit d’accès au juge. Elle décide donc de ne pas annuler la contribution.

Elle annule toutefois la possibilité d’exiger la contribution de 20€ par demandeur. En effet, une partie qui succombe risquait de se voir imposer le paiement d’une contribution forfaitaire supérieure au montant de 20 euros. Ce qui est disproportionné. La Cour annule les mots « par chacune des parties demanderesses » et « par partie requérante ». Dès à présent, la contribution sera limitée à 20€ par affaire et non par partie demanderesse. (§B.13.1 – B.14 de l’arrêt en pièce jointe)

En outre, concernant les demandes introduites devant le Tribunal de la famille, la Cour interprète la loi en ce sens que la contribution n’est pas due pour chaque nouvelle demande formulée au tribunal de la famille étant donné que ce dernier est saisi de manière permanente. (§B.18.1 – B.20  de l’arrêt en pièce jointe)

Et une lueur d’espoir… ?

Dans l’arrêt, la Cour Constitutionnelle prend tout de même la peine de préciser (§B.7.5) qu’il appartient au législateur, lorsqu’il adopte une telle mesure, de tenir compte des autres mesures qui alourdissent le coût des procédures juridictionnelles. L’existence d’une atteinte au droit d’accès à un juge doit s’apprécier au regard de l’ensemble des mesures susceptibles d’alourdir le coût des procédures juridictionnelles en ayant particulièrement égard à l’effet cumulé de telles mesures.

Nous ne pouvons qu’espérer que la Cour Constitutionnelle, lorsqu’elle se prononcera sur le recours introduit contre la loi sur l’augmentation des droits de greffe, jugera que, cette fois, la coupe du justiciable est vraiment pleine…

Communiqué de la Plateforme « Justice pour tous » dont le SAD est membre

CC 13.2.2020 fond budgétaire relatif à l’aide juridique

Cour européenne des droits de l’Homme : l’Espagne et l’Union européenne (UE) pourront faire prévaloir la protection des frontières européennes sur le droit d’asile

Cour européenne des droits de l’Homme : l’Espagne et l’Union européenne (UE) pourront faire prévaloir la protection des frontières européennes sur le droit d’asile

 

La Cour européenne des droits de l’Homme (Cour-EDH) vient de rendre une décision favorable aux autorités espagnoles, en entérinant la pratique dite des « refoulements à chaud » des personnes tentant de rejoindre les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Alors même qu’une autre formation de la Cour avait condamné l’Espagne en 2017 pour cette pratique illégale[1], sa Grande Chambre a décidé cette fois que ce pays n’avait pas violé les droits des exilé·e·s qui avaient déjà franchi sa frontière en les renvoyant de façon expéditive et violente vers le Maroc. Par cette décision extrêmement grave, la Cour-EDH légitime le principe du refoulement généralisé. Par ailleurs, elle entérine l’impossibilité de déposer une demande d’asile en cas de franchissement illégal d’une frontière, et salue la bonne collaboration avec le Maroc dans la répression des exilé·e·s.

Les personnes migrantes se heurtent aux pratiques de refoulement tout au long de leurs parcours aux frontières extérieures de l’UE, qui s’étendent toujours plus aux Sud et à l’Est. Elles y sont confrontées lorsqu’elles tentent de traverser le Sahara[2] ou les Balkans[3], ou tentent de fuir l’enfer libyen[4]. Cette réalité – qui, pour les cas les plus dramatiques mène à la mort – concerne aussi l’intérieur du territoire européen, comme l’illustrent les renvois récurrents de personnes migrantes aux frontières françaises avec l’Italie et l’Espagne[5]. Les pratiques de refoulement se multiplient et sont devenues une forme de gestion de plus en plus normalisée des mobilités illégalisées, qu’il faudrait entraver à tout prix.

Depuis au moins deux décennies, les personnes migrantes subissent les violences des garde-frontières espagnols lors de leurs tentatives d’entrée dans les enclaves de Ceuta et Melilla. Les militaires marocains ne sont pas en reste : de multiples rapports d’ONG démontrent que le Maroc procède régulièrement à de violentes répressions et rafles pour éloigner les exilé·e·s de la frontière[6].

Malgré cette réalité ancienne et documentée, la Cour-EDH conclut dans son arrêt du 13 février que l’Espagne n’a commis aucune violation, estimant « que les requérants [s’étaient] mis eux-mêmes dans une situation d’illégalité » en tentant de franchir la frontière de Melilla hors d’un poste-frontière habilité. Elle ajoute qu’« ils ont par conséquent décidé de ne pas utiliser les voies légales existantes permettant d’accéder de manière régulière au territoire espagnol ». Argument fallacieux s’il en est de considérer que seul·e·s pourraient être protégé·e·s du refoulement les exilé·e·s entré·e·s par un poste frontière habilité ou qu’ils/elles pourraient déposer sans entrave une demande d’asile au consulat. Pourtant, de nombreuses organisations de défense des droits – dont les rapports ont été sciemment ignorés par la Cour – ont pu documenter que les personnes noires sont particulièrement traquées par les forces sécuritaires marocaines, empêchées d’atteindre les postes frontières des enclaves. L’accès aux bureaux d’asile de Ceuta et Melilla (mis en place en 2015) leur est donc impossible, ne leur laissant d’autres choix que de tenter d’escalader les clôtures et leurs lames tranchantes, ou de prendre la mer, au péril de leur vie[7].

La Cour européenne des droits de l’Homme, en revenant sur la condamnation de l’Espagne, donne un signal fort aux États européens pour la généralisation de ces pratiques violentes de refoulement et la légitimation de l’externalisation de l’asile. En effet, en estimant qu’un État membre peut limiter le droit de demander protection sur son territoire à certains lieux ou à certaines circonstances, la Cour cautionne des pratiques contraires au droit international, que l’UE essaye de longue date de promouvoir : empêcher l’arrivée de celles et ceux qui cherchent protection, soit en érigeant des barrières physiques ou juridiques, soit en sous-traitant ses obligations à des pays notoirement hostiles aux personnes migrantes.

Les associations signataires condamnent fermement la décision de la Cour-EDH. Nous refusons que le principe de non-refoulement, pierre angulaire du droit d’asile, soit remis en cause au nom de la politique d’externalisation et de protection des frontières de l’UE et ses États membres. Nous soutenons les personnes migrantes dans l’exercice de leur liberté de circulation, et combattons les violences et le racisme qu’elles subissent tout au long de leurs trajectoires illégalisées.

21 février 2020

Associations signataires :

  • Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme – AEDH (Europe)
  • European Democrates Lawyers (Europe) – le SAD est membre de cette association
  • Borderline Europe (Allemagne)
  • Euromed Rights (réseau Euro-Mediterranéen)
  • Group of lawyers for the Rights of Migrants and Refugees (Grèce)
  • Lawyers for Freedom – OHD (Turquie)
  • Migreurop (réseau Euro-Africain)
  • Progressive Lawyers association – CHD (Turquie)
  • Republican Lawyers Association – RAV (Allemagne)

 

[1]  CEDH, 3 octobre 2017, N.D. et N.T. c. Espagne, req. n° 8675/15 et 8697/15

[2] Amnesty International, « Forcés à partir, histoires de migrants victimes d’injustices en Algérie », 2018 ;  Alarmphone Sahara,  « Octobre 2019 à Janvier 2020: Continuation des convois d’expulsions de l’Algérie au Niger », janvier 2020

[3] Le Monde « La Bosnie, cul-de-sac pour les migrants », 30 décembre 2019 ; voir aussi le site internet de « Welcome » qui documente les violences dans les Balkans : https://welcome.cms.hr/index.php/en/

[4] Migreurop « Libye : Financements européens pour les bourreaux des migrant·e·s », Note #7, mai 2018 ; Forensic Oceanography,”Mare Clausum“, mai 2018

[5] ANAFE, « Persona non grata –Conséquences des politiques sécuritaires et migratoires à la frontières franco-italienne », Rapport d’observations 2017 – 2018

[6]  Voir par exemple : Migreurop, « Guerre aux migrants – Le livre noir de Ceuta et Melilla », 2006 ; Human Rights Watch « Abused and Expelled Ill-Treatment of Sub-Saharan African Migrants in Morocco », 2014 ; Caminando Fronteras « Tras la frontera », 2017 ;  GADEM, « Coûts et blessures – Rapport sur les opérations des forces de l’ordre menées dans le nord du Maroc entre juillet et septembre 2018 », 2018
[7] Voir par exemple : Rapport inter-associatif « Ceuta et Melilla : centres de tri à ciel ouvert aux portes de l’Afrique ? », décembre 2015 ; Les observations du Commissaire européen aux droits de l’Homme dans l’affaire No. 8675/15 and No. 8697/15 N.D. v. Spain and N.T. c. Espagne : https://rm.coe.int/third-party-intervention-n-d-and-n-t-v-spain-by-nils-muiznieks-council/1680796bfc ; le texte de la tierce intervention d’Aire Centre, Amnesty International, ECRE et la Commission internationale des Juristes :
https://www.amnesty.org/download/Documents/EUR4191102018ENGLISH.PDF