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Cour européenne des droits de l’Homme : l’Espagne et l’Union européenne (UE) pourront faire prévaloir la protection des frontières européennes sur le droit d’asile

Cour européenne des droits de l’Homme : l’Espagne et l’Union européenne (UE) pourront faire prévaloir la protection des frontières européennes sur le droit d’asile

 

La Cour européenne des droits de l’Homme (Cour-EDH) vient de rendre une décision favorable aux autorités espagnoles, en entérinant la pratique dite des « refoulements à chaud » des personnes tentant de rejoindre les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Alors même qu’une autre formation de la Cour avait condamné l’Espagne en 2017 pour cette pratique illégale[1], sa Grande Chambre a décidé cette fois que ce pays n’avait pas violé les droits des exilé·e·s qui avaient déjà franchi sa frontière en les renvoyant de façon expéditive et violente vers le Maroc. Par cette décision extrêmement grave, la Cour-EDH légitime le principe du refoulement généralisé. Par ailleurs, elle entérine l’impossibilité de déposer une demande d’asile en cas de franchissement illégal d’une frontière, et salue la bonne collaboration avec le Maroc dans la répression des exilé·e·s.

Les personnes migrantes se heurtent aux pratiques de refoulement tout au long de leurs parcours aux frontières extérieures de l’UE, qui s’étendent toujours plus aux Sud et à l’Est. Elles y sont confrontées lorsqu’elles tentent de traverser le Sahara[2] ou les Balkans[3], ou tentent de fuir l’enfer libyen[4]. Cette réalité – qui, pour les cas les plus dramatiques mène à la mort – concerne aussi l’intérieur du territoire européen, comme l’illustrent les renvois récurrents de personnes migrantes aux frontières françaises avec l’Italie et l’Espagne[5]. Les pratiques de refoulement se multiplient et sont devenues une forme de gestion de plus en plus normalisée des mobilités illégalisées, qu’il faudrait entraver à tout prix.

Depuis au moins deux décennies, les personnes migrantes subissent les violences des garde-frontières espagnols lors de leurs tentatives d’entrée dans les enclaves de Ceuta et Melilla. Les militaires marocains ne sont pas en reste : de multiples rapports d’ONG démontrent que le Maroc procède régulièrement à de violentes répressions et rafles pour éloigner les exilé·e·s de la frontière[6].

Malgré cette réalité ancienne et documentée, la Cour-EDH conclut dans son arrêt du 13 février que l’Espagne n’a commis aucune violation, estimant « que les requérants [s’étaient] mis eux-mêmes dans une situation d’illégalité » en tentant de franchir la frontière de Melilla hors d’un poste-frontière habilité. Elle ajoute qu’« ils ont par conséquent décidé de ne pas utiliser les voies légales existantes permettant d’accéder de manière régulière au territoire espagnol ». Argument fallacieux s’il en est de considérer que seul·e·s pourraient être protégé·e·s du refoulement les exilé·e·s entré·e·s par un poste frontière habilité ou qu’ils/elles pourraient déposer sans entrave une demande d’asile au consulat. Pourtant, de nombreuses organisations de défense des droits – dont les rapports ont été sciemment ignorés par la Cour – ont pu documenter que les personnes noires sont particulièrement traquées par les forces sécuritaires marocaines, empêchées d’atteindre les postes frontières des enclaves. L’accès aux bureaux d’asile de Ceuta et Melilla (mis en place en 2015) leur est donc impossible, ne leur laissant d’autres choix que de tenter d’escalader les clôtures et leurs lames tranchantes, ou de prendre la mer, au péril de leur vie[7].

La Cour européenne des droits de l’Homme, en revenant sur la condamnation de l’Espagne, donne un signal fort aux États européens pour la généralisation de ces pratiques violentes de refoulement et la légitimation de l’externalisation de l’asile. En effet, en estimant qu’un État membre peut limiter le droit de demander protection sur son territoire à certains lieux ou à certaines circonstances, la Cour cautionne des pratiques contraires au droit international, que l’UE essaye de longue date de promouvoir : empêcher l’arrivée de celles et ceux qui cherchent protection, soit en érigeant des barrières physiques ou juridiques, soit en sous-traitant ses obligations à des pays notoirement hostiles aux personnes migrantes.

Les associations signataires condamnent fermement la décision de la Cour-EDH. Nous refusons que le principe de non-refoulement, pierre angulaire du droit d’asile, soit remis en cause au nom de la politique d’externalisation et de protection des frontières de l’UE et ses États membres. Nous soutenons les personnes migrantes dans l’exercice de leur liberté de circulation, et combattons les violences et le racisme qu’elles subissent tout au long de leurs trajectoires illégalisées.

21 février 2020

Associations signataires :

  • Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme – AEDH (Europe)
  • European Democrates Lawyers (Europe) – le SAD est membre de cette association
  • Borderline Europe (Allemagne)
  • Euromed Rights (réseau Euro-Mediterranéen)
  • Group of lawyers for the Rights of Migrants and Refugees (Grèce)
  • Lawyers for Freedom – OHD (Turquie)
  • Migreurop (réseau Euro-Africain)
  • Progressive Lawyers association – CHD (Turquie)
  • Republican Lawyers Association – RAV (Allemagne)

 

[1]  CEDH, 3 octobre 2017, N.D. et N.T. c. Espagne, req. n° 8675/15 et 8697/15

[2] Amnesty International, « Forcés à partir, histoires de migrants victimes d’injustices en Algérie », 2018 ;  Alarmphone Sahara,  « Octobre 2019 à Janvier 2020: Continuation des convois d’expulsions de l’Algérie au Niger », janvier 2020

[3] Le Monde « La Bosnie, cul-de-sac pour les migrants », 30 décembre 2019 ; voir aussi le site internet de « Welcome » qui documente les violences dans les Balkans : https://welcome.cms.hr/index.php/en/

[4] Migreurop « Libye : Financements européens pour les bourreaux des migrant·e·s », Note #7, mai 2018 ; Forensic Oceanography,”Mare Clausum“, mai 2018

[5] ANAFE, « Persona non grata –Conséquences des politiques sécuritaires et migratoires à la frontières franco-italienne », Rapport d’observations 2017 – 2018

[6]  Voir par exemple : Migreurop, « Guerre aux migrants – Le livre noir de Ceuta et Melilla », 2006 ; Human Rights Watch « Abused and Expelled Ill-Treatment of Sub-Saharan African Migrants in Morocco », 2014 ; Caminando Fronteras « Tras la frontera », 2017 ;  GADEM, « Coûts et blessures – Rapport sur les opérations des forces de l’ordre menées dans le nord du Maroc entre juillet et septembre 2018 », 2018
[7] Voir par exemple : Rapport inter-associatif « Ceuta et Melilla : centres de tri à ciel ouvert aux portes de l’Afrique ? », décembre 2015 ; Les observations du Commissaire européen aux droits de l’Homme dans l’affaire No. 8675/15 and No. 8697/15 N.D. v. Spain and N.T. c. Espagne : https://rm.coe.int/third-party-intervention-n-d-and-n-t-v-spain-by-nils-muiznieks-council/1680796bfc ; le texte de la tierce intervention d’Aire Centre, Amnesty International, ECRE et la Commission internationale des Juristes :
https://www.amnesty.org/download/Documents/EUR4191102018ENGLISH.PDF

 

J’ai reçu une demande de paiement du SPF Finances relative à l’assistance judiciaire – Que faire ?

J’ai reçu une demande de paiement du SPF Finances relative à l’assistance judiciaire – Que faire ?

Ces dernières années, le SPF Finances adresse de plus en plus de demandes de paiement et de mises en demeure pour récupérer les frais consentis par l’Etat belge au titre de « l’assistance judiciaire » (« pro deo »).

L’assistance judiciaire, c’est le mécanisme qui permet aux justiciables à faible capacité financière de ne pas devoir payer les frais de greffe ou les frais d’huissier, par exemple, nécessaires pour pouvoir introduire une procédure en justice.

Il peut être surprenant et stressant de recevoir une telle demande mais le justiciable doit-il s’exécuter ?

En principe, l’assistance judiciaire est une « avance remboursable ».

Cela signifie que, si la personne est revenue à meilleure fortune, elle doit rembourser à l’Etat les sommes consenties par le passé au titre de l’assistance judiciaire. Par contre, si l’état d’indigence persiste, ces sommes ne sont pas dues.

Étonnamment, le SPF Finances – qui connait la situation financière de chacun – adresse ce type de demande même à celles et ceux qui demeurent indigents, par exemple, les bénéficiaires du revenu d’intégration social.

Dans ce cas de figure, il est important d’écrire au SPF pour contester la dette, au motif de la persistance des problèmes financiers, en apportant la preuve des revenus modiques. Il est plus prudent d’adresser ce courrier par recommandé ou par courriel.

Pour vous aider dans cette démarche, vous trouverez un « modèle type » en annexe.

Modèle lettre type

La justice pour toutes et tous, qu’en disent les partis ?

La Plateforme Justice pour tous rassemble une vingtaine d’acteurs du monde associatif et judiciaire. En vue des élections de mai 2019 et dans le cadre de la campagne des 66 jours pour sauver la Justice2, elle tire la sonnette d’alarme. L’accès à la justice est plus que jamais en danger.

La plateforme a écrit aux différents partis belges. L’objectif était double : exprimer ses inquiétudes et revendications et découvrir les positionnements des partis quant au droit fondamental d’accéder à la Justice.

La plateforme a identifié trois types d’obstacles à l’accès à la Justice : les barrages financiers (TVA sur les prestations des acteurs de justice et augmentation des droits de rôle), les barrages matériels et temporels (diminution des lieux de Justice et arriéré judiciaire), et barrages linguistiques et sociaux (complexité du langage utilisé).
Qu’en disent les partis ?

CD&V, CDH, DEFI, Ecolo-Groen, MR, N-VA, Open VLD, PTB-PVDA, PP, PS et SPA ont répondu à notre courrier. Tous affirment l’importance d’une Justice accessible au plus grand nombre comme condition sine qua non de la démocratie. La plupart reconnaissent que les barrages identifiés par la Plateforme sont de réels obstacles.
Les réponses sont disponibles dans leur intégralité en ligne : https://pjpt-prvi.be/fr. La Plateforme a notamment relevé les prises de position suivantes :

Le PP nous a renvoyé vers son programme en ligne : il y insiste sur l’accessibilité, la fermeté et l’efficacité de la justice, mais aucune réelle proposition n’est formulée pour rendre effectif le droit d’accéder à un juge.

Le PS défend une mutualisation de la justice et, s’inspirant du modèle québécois, souhaite mettre en place des maisons de justice mêlant travailleurs sociaux et avocats indépendants salariés de l’Etat, afin de pouvoir appréhender les problématiques des citoyens dans leur globalité. Il insiste sur la nécessité d’alléger les conditions d’accès à la Justice, de garantir un accès gratuit et fiable aux sources de droit et de « conscientiser » les citoyens à leurs droits.

Le SPA insiste pour augmenter le budget global de la Justice. En outre, il propose de revoir le système actuel d’aide juridique en instaurant une troisième catégorie de services partiellement gratuits et un système de financement en enveloppe ouverte. Il suggère également de mettre fin au monopole de défense des avocats en permettant aux associations de représenter leurs membres.

La N-VA justifie l’augmentation des frais de justice alignés sur le coût réel des procédures. Elle souhaite attendre l’évaluation de la réforme de 2016 sur l’aide juridique mais insiste sur la nécessité de renforcer la lutte contre les fraudeurs en assurant un examen approfondi de l’ensemble des ressources du demandeur d’aide. Elle souhaite également revoir le système Pro Deo en augmentant la rémunération des avocats qui soutiennent les règlements à l’amiable.

Le CD&V s’inscrit dans la droite ligne des réformes menées par l’actuel ministre de la Justice Koen Geens et défend son projet The Court of the future afin d’assurer une justice proche, accessible et ponctuelle. Il prône également un ajustement des seuils d’accès à l’aide juridique et une évaluation du fonctionnement des tribunaux de la famille.

Le MR propose d’augmenter le budget de l’aide juridique et, tout comme le PS et Ecolo, propose de revoir les seuils d’accès à cette aide à la hausse. Avec la NV-A et le CD&V, il soutient l’octroi d’incitants fiscaux pour la souscription à des assurances juridiques étendues. Il souhaite également rénover les tribunaux, recruter davantage de magistrats et d’assistants juridiques et aller vers une mise en oeuvre de la loi sur la gestion autonome de l’ordre judiciaire.

Ecolo-Groen défend également une autonomie de gestion pour la justice et une revalorisation du monde judiciaire, tant en termes de moyens humains que financiers. Il encourage par ailleurs les formes alternatives de résolution des conflits et souhaite améliorer l’aide juridique de première et deuxième ligne.

L’Open VLD prône une proximité de la Justiceavec le citoyen par le développement des nouvelles technologies. Il n’est pas opposé à l’augmentation des seuils d’accès à l’aide juridique mais insiste sur la nécessité d’en apprécier la faisabilité et de limiter les risques de surconsommation de la Justice. L’Open-VLD rejoint la NV-A sur la nécessaire augmentation des droits de rôle.

DEFI fait seize propositions concrètes en matière d’accès à la Justice, notamment : augmenter les plafonds d’accès à l’aide juridique ; rémunérer trimestriellement les prestations d’aide juridique des avocats dans le cadre d’une enveloppe ouverte ; ouvrir l’aide juridique aux personnes morales indigentes ; inciter les assurances « protection juridique » moyennant réduction d’impôt ; et diminuer les droits de rôle.

Le PVDA-PTB souhaite s’attaquer à la justice de classe. Parmi ses propositions se trouvent la réduction des frais de justice, l’extension de l’aide juridique et la suppression de la TVA sur les services d’avocats. Il prône également un refinancement de la Justice et un renforcement des droits de la défense. Il souhaite aussi s’attaquer au système pénal en supprimant la loi sur la transaction pénale, en renforçant la poursuite des infractions financières graves et en prônant les sanctions réparatrices et éducatives.

Le CDH s’engage aussi pour la réévaluation des plafonds d’accès à la Justice. Il plaide pour une simplification administrative de l’aide juridique. Il défend une réduction d’impôt sur les primes payées pour les titulaires d’une assurance juridique étendue, ainsi qu’un refinancement massif, à hauteur de 500 millions d’euros, en vue de contrer l’arriéré judiciaire et de remédier au manque de personnel judiciaire.

Malgré leurs positions divergentes, bon nombre des partis s’accordent sur l’importance d’assurer une justice de proximité, une clarification et une simplification dans le langage juridique utilisé, ainsi qu’une plus grande informatisation de l’institution judiciaire belge.

Il est frappant d’obtenir un consensus de la part des partis sur la réalité des barrages pointés par la Plateforme, sans, toutefois, qu’ils se soient attelés à les lever au cours des dernières législatures.

Les Nations Unies ont visé, comme objectif de développement durable d’ici à 2030, le fait de « donner à toutes et tous accès à la justice dans des conditions d’égalité »4. La Plateforme Justice pour tous en appelle aux électeurs, et aux partis, pour qu’ils fassent de l’accès à la Justice une priorité. Il y a urgence.

La Plateforme Justice pour Tous

Associations membres : Association de Défense des Allocataires Sociaux, Association pour le Droit des Etrangers, Association Syndicale des Magistrats, Atelier des Droits Sociaux, Caritas International, Centre d’Action Laïque, CIRE, Collectif Solidarité Contre l’Exclusion, DEI-Belgique, Espace Social Télé Service, Jesuit Refugee Service, Ligue des Droits Humains, Linksecologisch forum, Netwerk Tegen Armoede, Progress lawyers Network, Réseau de Lutte contre la Pauvreté Belge, Forum Bruxellois de lutte contre la pauvreté, Réseau Wallon Lutte contre la Pauvreté, Samenlevingsopbouw, Service Droits des Jeunes, Syndicat des Avocats pour la Démocratie, Vrouwenraad

Recours contre la modification du Code consulaire : pas de discrimination en matière de droits fondamentaux – 3 décembre 2018

Le 9 mai 2018 a été votée une loi modifiant le Code consulaire.

Cette loi est, dans son principe, positive puisqu’elle vise à inscrire dans la loi le droit à recevoir une assistance consulaire en cas de situation de détresse vécue à l’étranger.

Toutefois, elle est hautement critiquable car elle introduit des discriminations à l’égard de plusieurs groupes d’individus.

Tout d’abord, elle crée une sous-catégorie de Belges puisque les binationaux n’ont pas droit à l’assistance consulaire lorsqu’ils se trouvent dans le pays de leur autre nationalité. Ceci est contraire à l’égalité des Belges devant la loi. Cette restriction au droit à l’assistance consulaire n’est pas justifiable. Premièrement, la Belgique a le droit, en droit international, de défendre tous ses nationaux, sauf pour l’Etat tiers à démontrer qu’ils n’ont pas de liens prépondérants avec la Belgique. Deuxièmement, certains Etats ne prévoient aucune possibilité de renoncer à leur nationalité. Dans ces hypothèses, comme celle des belgo-marocains, la nationalité ne procède aucunement d’une volonté du binational. Troisièmement, cette exception au droit à l’assistance consulaire permet au Ministre des Affaires étrangères de choisir pour qui il intervient ou non, ce qui est vecteur d’arbitraire.

Ensuite, la loi ne prévoit pas l’intervention des autorités consulaires belges pour les réfugiés et les apatrides, reconnus en Belgique. Ces personnes se voient ainsi exclues de toute possibilité d’être assistées à l’étranger puisque soit elles ont fui leur pays d’origine en raison des persécutions qu’elles y subissaient, soit ne sont reconnues par aucun Etat comme étant ses ressortissants.

La loi refuse également toute assistance aux membres de la famille des Belges et des citoyens de l’Union européenne qui ont la nationalité d’un Etat tiers. Ceci parait contraire au droit au respect à la vie familiale. Comment justifier, par exemple, qu’en cas de crise consulaire majeure, tous les membres d’une même famille ne puissent pas disposer de l’assistance de la Belgique ?

Dernière discrimination, la loi prévoit une exception au droit à l’assistance consulaire pour toutes les personnes qui se rendent ou vivent en zones de conflit armé ou pour lesquelles un avis défavorable de voyage du Ministère des Affaires étrangères existe. Au-delà du caractère politique de certains avis de voyage, il est flagrant que cette exception est parfaitement injustifiée pour toute une série de personnes. On pense ainsi à tous les travailleurs dans le domaine de l’humanitaire, au sens large, ou aux journalistes. Par ailleurs, il semble que cette exclusion ait été inscrite dans la loi afin de se dispenser d’apporter toute aide au retour des personnes coincées dans des camps à la suite du conflit syrien. En visite en Belgique en mai 2018, la Rapporteuse spéciale sur les droits fondamentaux dans la lutte contre le terrorisme avait pourtant rappelé ses vives préoccupations sur la politique belge en la matière[1]. Elle avait instamment demandé à la Belgique de prendre toutes les mesures possibles pour s’assurer que les protections juridiques de ses citoyens soient pleinement assurées et pour ramener les enfants de nationalité belge sur le territoire. Quant au Délégué aux droits de l’enfant, il a également souligné qu’il y a près de 150 enfants dans ces camps, âgés à 75% de moins de six ans. Lui aussi rappelait à la Belgique ses obligations d’agir dans l’intérêt supérieur de ces enfants[2].

Enfin, le SAD s’inquiète de la définition restrictive qui est donnée à l’assistance consulaire, contrairement aux recommandations des instances européennes. Celle-ci vise à exclure tout droit à une aide financière, pour aider au rapatriement, lorsqu’un Belge se trouve dans une situation de détresse extrême et d’urgence à l’étranger. Cette mesure n’aura donc d’impact que sur les plus démunis.

Le SAD, avec la Ligue des droits de l’Homme, a donc décidé d’introduire un recours auprès de la Cour constitutionnelle. Affaire à suivre…

[1] Nations Unies, « Conclusions préliminaires de la visite en Belgique », 31 mai 2018, disponible sur https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23164&LangID=F

[2] Délégué général aux droits de l’enfant, « Recommandations du Délégué général aux droits de l’enfant de la Communauté française de Belgique sur la question des mineurs belges présents dans les zones de conflit djihadistes et sur leur éventuel retour en Belgique (returnees) », disponible sur http://www.dgde.cfwb.be/index.php?id=8126

Réforme de l’aide juridique : la Cour constitutionnelle annule le ticket modérateur mais l’accès à la justice reste semé d’embûches

Communiqué de la Plateforme « Justice Pour Tous » – 22 juin 2018

 

C’est une victoire importante pour la trentaine d’associations qui avaient déposé un recours contre la réforme de l’aide juridique entrée en vigueur en septembre 2016. La Cour constitutionnelle a tranché ce jeudi 21 juin 2018 : le ticket modérateur institué par la réforme est contraire à la Constitution. Pour autant, la réforme reste en vigueur dans ses autres aspects et continue de décourager l’accès à la justice des plus précaires.

 

Une victoire pour l’aide juridique !

Lorsque le ministre Geens a introduit un « ticket modérateur » sur les services d’un avocat pro deo en 2016, une vingtaine d’organisations, notamment membres de la Plateforme Justice Pour Tous, ont immédiatement réagi. En s’ajoutant à la TVA sur les services des avocats et au durcissement des conditions et de la procédure pour obtenir un avocat pro deo, l’introduction d’une contribution financière avait rendu l’accès à la justice encore plus difficile.

Le droit d’accès à la justice est donc devenu une illusion pour beaucoup de gens. Et ce malgré le fait que notre Constitution stipule expressément que chacun a droit à l’aide juridique et que le législateur ne peut porter atteinte au niveau actuel de protection de ce droit.

Le 21 juin 2018, la Cour constitutionnelle a donné raison aux associations, en particulier sur la question du ticket modérateur. Les juges de la Cour constitutionnelle ont explicitement déclaré qu’il est en effet contradictoire de demander une contribution financière aux personnes qui réclament un avocat pro deo précisément parce qu’elles n’ont pas les moyens nécessaires pour payer elles-mêmes un avocat.

Les juges ont également attiré l’attention du législateur sur la réalité : l’introduction d’une contribution forfaitaire de 50 euros représente un pas en arrière considérable pour les personnes disposant de peu de ressources, ce qui est incompatible avec l’article 23 de la Constitution, qui garantit à chacun le droit à l’aide juridique.

Les juges de la Cour constitutionnelle mettent également en garde : si le législateur peut déterminer que le droit à l’aide juridique dépend de la preuve de « moyens d’existence insuffisants », cette notion juridique ne peut servir à exclure du système des personnes qui n’auraient pas accès à un juge sans l’aide juridique.

Nécessité d’une réforme en profondeur

Malgré l’avancée importante réalisée par cet arrêt, le droit d’accès à la justice reste une illusion pour de nombreuses personnes. Les associations requérantes et les organisations qui font partie de la Plateforme Justice Pour Tous rencontrent quotidiennement ces personnes : les personnes qui ne trouvent pas à temps les documents nécessaires pour prouver qu’elles ont droit à un avocat pro deo, les personnes qui, en raison de la disponibilité limitée de conseils juridiques de première ligne accessibles, ne savent pas qu’elles ont droit à un avocat pro deo, etc.

Pour toutes ces personnes, les membres de la Plateforme Justice Pour Tous continuent de revendiquer une réforme en profondeur de l’aide juridique de première et de deuxième ligne et un droit effectif d’accès à la justice pour tous.

La Plateforme demande donc au ministre de la Justice d’ouvrir rapidement le débat sur la manière dont nous pouvons créer en Belgique une aide juridique qui puisse garantir à chacun le droit d’accès à la justice.

Les requérants

Aimer Jeunes, *Association pour le Droit Des Etrangers, *Association Syndicale des Magistrats, ATD Quart Monde en Belgique – ATD Vierde Wereld in België, Belgisch Netwerk Armoedebstrijding – Réseau belge de Lutte contre la Pauvreté, *Atelier des droits sociaux, *Service droit des jeunes, Défense des Enfants – International – Belgique – Branche francophone, *CIRE – Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et Etrangers, Intact, *Ligue des droits de l’Homme, *Ligue des familles, Luttes Solidarités Travail, Organisatie voor Clandestiene Arbeidsmigranten, Médecins du Monde, *Medimmigrant, Planning familial Leman, Point d’appui, *Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, Service d’action sociale bruxellois, Service international de recherche, d’éducation et d’action sociale, Service social de solidarité socialiste, *Syndicat des Avocats pour la Démocratie, Ulysse, Vlaams Netwerk van verenigingen waar armen het woord nemen, Vluchtelingenwerk Vlaanderen, Woman’do et des CPAS d’Evere, de Forest et de Saint-Gilles.

*Membres de la Plateforme Justice Pour Tous

Mobilisation pour l’accès à la Justice : Mercredi 7 février 2018 12h30

Avec de nombreuses autres associations, le SAD a introduit un recours devant la Cour constitutionnelle contre la réforme de l’aide juridique de deuxième ligne, entrée en vigueur le 1er septembre 2016.

En effet, la pauvreté augmente et pourtant l’accès à la justice – qui est un droit fondamental permettant de garantir tous les autres – est rendu de plus en plus difficile en raison de barrières financières injustes et injustifiées. Le nombre de documents à apporter pour pouvoir bénéficier de l’aide juridique a également fortement augmenté. Le travail « administratif » des avocats a considérablement augmenté également, sans que cela ne suive, bien entendu, au niveau de leur indemnisation.

Ces tracasseries administratives et le coût d’accès à l’aide juridique a déjà de lourdes conséquences. Les avocats sont démotivés. Les justiciables sont découragés. En 2017,  le nombre de désignation d’avocats pratiquant l’aide juridique a diminué de 25 %. Ce chiffre est réellement alarmant.

Le SAD vous invite donc à vous mobilier pour l’accès pour tous à une justice de qualité : mercredi 7 février 2018, 12h30, Cour constitutionnelle, Place Royale, 1000 Bruxelles.

L'accès à la justice en danger