Recours contre la modification du Code consulaire : pas de discrimination en matière de droits fondamentaux – 3 décembre 2018

Le 9 mai 2018 a été votée une loi modifiant le Code consulaire.

Cette loi est, dans son principe, positive puisqu’elle vise à inscrire dans la loi le droit à recevoir une assistance consulaire en cas de situation de détresse vécue à l’étranger.

Toutefois, elle est hautement critiquable car elle introduit des discriminations à l’égard de plusieurs groupes d’individus.

Tout d’abord, elle crée une sous-catégorie de Belges puisque les binationaux n’ont pas droit à l’assistance consulaire lorsqu’ils se trouvent dans le pays de leur autre nationalité. Ceci est contraire à l’égalité des Belges devant la loi. Cette restriction au droit à l’assistance consulaire n’est pas justifiable. Premièrement, la Belgique a le droit, en droit international, de défendre tous ses nationaux, sauf pour l’Etat tiers à démontrer qu’ils n’ont pas de liens prépondérants avec la Belgique. Deuxièmement, certains Etats ne prévoient aucune possibilité de renoncer à leur nationalité. Dans ces hypothèses, comme celle des belgo-marocains, la nationalité ne procède aucunement d’une volonté du binational. Troisièmement, cette exception au droit à l’assistance consulaire permet au Ministre des Affaires étrangères de choisir pour qui il intervient ou non, ce qui est vecteur d’arbitraire.

Ensuite, la loi ne prévoit pas l’intervention des autorités consulaires belges pour les réfugiés et les apatrides, reconnus en Belgique. Ces personnes se voient ainsi exclues de toute possibilité d’être assistées à l’étranger puisque soit elles ont fui leur pays d’origine en raison des persécutions qu’elles y subissaient, soit ne sont reconnues par aucun Etat comme étant ses ressortissants.

La loi refuse également toute assistance aux membres de la famille des Belges et des citoyens de l’Union européenne qui ont la nationalité d’un Etat tiers. Ceci parait contraire au droit au respect à la vie familiale. Comment justifier, par exemple, qu’en cas de crise consulaire majeure, tous les membres d’une même famille ne puissent pas disposer de l’assistance de la Belgique ?

Dernière discrimination, la loi prévoit une exception au droit à l’assistance consulaire pour toutes les personnes qui se rendent ou vivent en zones de conflit armé ou pour lesquelles un avis défavorable de voyage du Ministère des Affaires étrangères existe. Au-delà du caractère politique de certains avis de voyage, il est flagrant que cette exception est parfaitement injustifiée pour toute une série de personnes. On pense ainsi à tous les travailleurs dans le domaine de l’humanitaire, au sens large, ou aux journalistes. Par ailleurs, il semble que cette exclusion ait été inscrite dans la loi afin de se dispenser d’apporter toute aide au retour des personnes coincées dans des camps à la suite du conflit syrien. En visite en Belgique en mai 2018, la Rapporteuse spéciale sur les droits fondamentaux dans la lutte contre le terrorisme avait pourtant rappelé ses vives préoccupations sur la politique belge en la matière[1]. Elle avait instamment demandé à la Belgique de prendre toutes les mesures possibles pour s’assurer que les protections juridiques de ses citoyens soient pleinement assurées et pour ramener les enfants de nationalité belge sur le territoire. Quant au Délégué aux droits de l’enfant, il a également souligné qu’il y a près de 150 enfants dans ces camps, âgés à 75% de moins de six ans. Lui aussi rappelait à la Belgique ses obligations d’agir dans l’intérêt supérieur de ces enfants[2].

Enfin, le SAD s’inquiète de la définition restrictive qui est donnée à l’assistance consulaire, contrairement aux recommandations des instances européennes. Celle-ci vise à exclure tout droit à une aide financière, pour aider au rapatriement, lorsqu’un Belge se trouve dans une situation de détresse extrême et d’urgence à l’étranger. Cette mesure n’aura donc d’impact que sur les plus démunis.

Le SAD, avec la Ligue des droits de l’Homme, a donc décidé d’introduire un recours auprès de la Cour constitutionnelle. Affaire à suivre…

[1] Nations Unies, « Conclusions préliminaires de la visite en Belgique », 31 mai 2018, disponible sur https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23164&LangID=F

[2] Délégué général aux droits de l’enfant, « Recommandations du Délégué général aux droits de l’enfant de la Communauté française de Belgique sur la question des mineurs belges présents dans les zones de conflit djihadistes et sur leur éventuel retour en Belgique (returnees) », disponible sur http://www.dgde.cfwb.be/index.php?id=8126