Archives pour la catégorie Droit pénal

Le Juge en prison : mise à mal des droits de la défense et de l’indépendance de la Justice

25 mai 2015

 

Le Juge en prison : mise à mal des droits de la défense et de l’indépendance de la Justice

Deux lois, du 25 avril 2014 et du 8 mai 2014, ont modifié le Code judiciaire de manière à permettre aux chambres du conseil et aux chambres des mises en accusation, juridictions chargées de contrôler la légalité et l’opportunité de la détention préventive, de siéger dans les prisons. Ces lois établissent également le principe selon lequel les Tribunaux de l’application des peines (TAP) siègent en tous les cas en prison lorsque le condamné est détenu.

L’objectif poursuivi par le législateur est à la fois budgétaire et sécuritaire, puisqu’il vise à limiter les extractions et déplacements des détenus vers les palais de justice.

Faire siéger les juridictions dans les prisons est une mesure inacceptable pour le S.A.D. et ce, tant pour des raisons de principe liées au respect des droits de la défense et à la conception que nous défendons d’une justice indépendante, que pour des raisons pratiques.

Le SAD a dès lors décidé, avec l’Ordre des Barreaux Francophones et Germanophones (OBFG) et l’Association Syndicale des Magistrats (ASM), de se joindre au recours introduit devant la Cour constitutionnelle par l’Ordre flamand des avocats (OVB).

Incitation indirecte au terrorisme, pour la Cour constitutionnelle tout est clair

28 janvier 2015

Incitation indirecte au terrorisme, pour la Cour constitutionnelle tout est clair

Dans son arrêt du 28 janvier 2015, la Cour constitutionnelle avalise l’incrimination de « l’incitation indirecte à commettre une infraction terroriste ».

Pour le SAD, ainsi que pour la CNE et la Ligue des droits de l’homme, cette nouvelle infraction était loin de revêtir les caractères de précision et de clarté, exigés tant par la Constitution que par la Convention européenne des droits de l’homme, en matière pénale. Elle est également extrêmement dangereuse pour les libertés de penser et de s’exprimer.

En effet, que signifie « inciter au terrorisme » si l’on admet que les propos tenus ne doivent pas en eux-mêmes inviter à la violence ou à la haine ? Que recouvre « l’incitation indirecte au terrorisme » lorsqu’il n’est pas requis qu’il soit question d’un acte terroriste précis, ou même indéterminé, et encore moins qu’il ait été commis ou soit en voie de commission ? Comment pouvoir prévoir qu’un discours pourrait être interprété comme « incitant indirectement au terrorisme » ? La critique radicale de la politique de nos « alliés », par exemple, restera-t-elle possible ?

L’adjectif « indirecte » a ici toute son importance. La Cour constitutionnelle estime que cela ne pose cependant pas de problème. Elle expose que :

« « Inciter » signifie pousser quelqu’un à faire quelque chose (en néerlandais : aanzetten). En conséquence, il ne suffit pas que le message diffusé ou mis à la disposition du public préconise directement ou non la commission d’infractions terroristes et crée le risque qu’une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises. Il faut encore qu’il soit prouvé que la personne qui diffuse le message ou le met à la disposition du public ait eu pour intention de pousser autrui à commettre une infraction terroriste (…)
 « Préconiser » signifie recommander vivement (en néerlandais : aansturen). En incriminant le comportement qui préconise directement ou non la commission d’infractions terroristes, la disposition attaquée permet à la personne qui diffuse le message ou le met à la disposition du public de savoir qu’elle se met en infraction, que ce message dise clairement (préconisation directe) ou non (préconisation indirecte) que des infractions terroristes doivent être commises, ce qu’il appartient au juge d’apprécier en fonction de tous les éléments de la cause ».

Oui mais : comment pousser indirectement quelqu’un à faire quelque chose ? comment démontrer l’intention d’une personne qui n’a pas formulé de message de violence ou de haine ? comment recommander vivement mais indirectement ?

Le SAD regrette la trop large marge d’appréciation laissée au juge du fond dans ce domaine du terrorisme. L’histoire nous a déjà démontré que les interprétations divergentes étaient trop aisées, ce qui nuit à la sécurité juridique. Par ailleurs, le « terrorisme » est une notion compliquée, qui touche parfois à la politique. Ce mot véhicule également tellement de peur et d’appréhensions qu’il est nécessaire d’encadrer clairement ce qui est répréhensible et/ou ce qui ressort des libertés de penser et de s’exprimer.

CC 28.01.2015

Non à la dérive sécuritaire au nom de la lutte contre le terrorisme: recours contre la loi du 18 février 2013 instituant l’infraction d’ « incitation indirecte » au terrorisme

16 juillet 2014 –

Alors que les associations de défense des droits de l’homme réclament depuis des années une évaluation des législations antiterroristes, que l’arsenal juridique actuel est amplement suffisant pour viser l’ensemble des comportements mettant en danger la société et que les juridictions belges ont déjà du mal à cerner le contour des infractions terroristes introduites dans le Code pénal en 2003, le législateur a voté une loi instituant une nouvelle infraction : « l’incitation indirecte au terrorisme ».

L’article 140bis du Code pénal prévoit dorénavant que :

 « Sans préjudice de l’application de l’article 140, toute personne qui diffuse ou met à la disposition du public de toute autre manière un message, avec l’intention d’inciter à la commission d’une des infractions visées à l’article 137, à l’exception de celle visée à l’article 137, § 3, 6°, sera punie de la réclusion de cinq ans à dix ans et d’une amende de cent euros à cinq mille euros, lorsqu’un tel comportement, qu’il préconise directement ou non la commission d’infractions terroristes, crée le risque qu’une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises ».

Que faut-il entendre par là ? Nul ne le sait vraiment !

Mais ce texte permet à un Juge de condamner à 10 ans d’emprisonnement un individu en raison de propos tenus, même non-violents, que le Tribunal considérerait comme créateur d’un risque de commission, par une autre personne que ledit individu ne connaîtrait même pas, d’une « infraction terroriste », même si celle-ci n’est jamais commise, même sans tentative d’attentat, ni même élaboration d’un projet criminel quelconque.

Il s’agit dès lors d’une incrimination particulièrement dangereuse pour la liberté d’expression, puisqu’une personne pourrait être condamné à dix ans d’emprisonnement pour la seule expression d’une idée.

Le SAD, avec la Ligue des droits de l’homme et le Centre national des employés, a dès lors décidé d’introduire un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle.

Une audience se tiendra ce 8 octobre 2014 afin d’entendre les parties.

La « loi Salduz » ou le droit d’être assisté d’un avocat dès le stade de l’audition par la police

14 février 2013 –

Le droit d’être assisté d’un avocat, dès les premiers stades d’une procédure pénale, est un droit fondamental. Le SAD s’est battu pour que ce droit soit inscrit de manière large dans la loi belge et qu’il soit effectivement accessible à tous. Le SAD a obtenu l’annulation partielle de la loi instaurant la nécessité de la présence d’un avocat dès le début d’une enquête, exigée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Le SAD est en effet intervenu volontairement dans le cadre d’un recours introduit auprès de la Cour constitutionnelle, contestant de très nombreux points abordés dans la loi « Salduz » : la notion d’audition par la police, la définition du critère de la « privation de liberté », l’exclusion de l’assistance d’un avocat pour les auditions postérieures à la délivrance d’un mandat d’arrêt, l’assistance de l’avocat pour certains autres actes d’instruction, le droit de concertation préalable avec un avocat avant l’audition, le rôle de l’avocat lors de l’audition, l’accès au dossier répressif, la concertation confidentielle préalable à l’audition, la possibilité d’exclure le droit à l’assistance d’un avocat, la possibilité de renoncer à l’assistance d’un avocat, la sanction en cas de non-respect des droits garantis par la loi, la question de l’aide juridique, l’application de la loi aux mineurs, etc.

Finalement, ayant étudié ces différents aspects de la loi « Salduz », la Cour constitutionnelle a décidé d’annuler partiellement cette législation et a, de plus, donné une interprétation plus claire de certains de ses termes.

C.C. 14 février 2013

La loi sur les infractions terroristes et la nécessité d’encadrer le pouvoir des juges

13 juillet 2005 –

Le SAD, la Ligue des droits de l’Homme et la Liga voor Mensenrechten s’opposent à l’introduction, dans le Code pénal, d’infractions définissant  trop largement la notion de terrorisme. Il existe en effet un risque de criminalisation des mouvements sociaux. La définition est par ailleurs trop floue, de sorte qu’on ne peut pas comprendre, à la lecture de la loi, quel comportement exactement sera punissable.

Le SAD, la Ligue des droits de l’Homme et la Liga voor Mensenrechten ont introduit un recours auprès de la Cour constitutionnelle contre la loi du 19 décembre 2003, en invoquant la violation des principes de légalité et de non-discrimination.

Par son arrêt du 13 juillet 2005, la Cour constitutionnelle a rejeté ce recours.

Les errements de la procédure pénale engagée contre des membres du DHKPC – trois arrêts par les Cours d’appel d’Anvers, de Gent et de Bruxelles ainsi que de trois arrêts par la Cour de cassation – démontrent pourtant que la définition des infractions terroristes n’est pas assez précise et autorise de multiples interprétations.