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16 JANVIER 2017 : LA RESTRICTION DE L’AIDE JURIDIQUE ATTAQUÉE PAR LE MONDE ASSOCIATIF DEVANT LA COUR CONSTITUTIONNELLE

L’aide juridique permet à des justiciables qui n’ont pas les moyens de financer un avocat de se voir désigner un avocat rémunéré par l’État belge.

 Les associations requérantes[1] ont déposé un recours auprès de la Cour constitutionnelle contre la loi du 6 juillet 2016 qui a réformé l’aide juridique.

 Toutes ces associations ont en commun de travailler, notamment, avec des bénéficiaires de l’aide juridique. Elles constatent que, depuis l’entrée en vigueur de la loi, leurs usagers peinent à se voir désigner un avocat.

 La nouvelle loi prévoit en effet une réforme en profondeur de l’aide juridique :

 L’accès à l’aide juridique est restreint : ainsi, même une personne bénéficiaire du CPAS n’est plus présumée pouvoir bénéficier de l’aide juridique et doit démontrer, documents à l’appui, son indigence ;

  • Une contribution (forme de « ticket modérateur ») est due par désignation d’avocat (20 euros) et par instance (30 euros), même pour les bénéficiaires de l’aide juridique totalement gratuite ; en cas de procédure complexe, le montant total peut donc être élevé puisqu’à chaque nouvelle instance, un nouveau montant de 30 euros est dû ;
  • Le système de rémunération des avocats travaillant dans le cadre de l’aide juridique est complètement revu ; aucune information ni garantie n’est apportée quant au montant de la rémunération à laquelle ils pourront prétendre, de sorte que ces avocats ne sauront pas avant mi-2018 combien ils seront payés pour les prestations qu’ils effectuent actuellement.

Ce nouveau système entraîne également une surcharge administrative démesurée pour les justiciables et les avocats. En effet, les justiciables doivent à présent démontrer qu’ils n’ont pas de « moyens d’existence », ce qui revient dans de nombreux cas à fournir une preuve négative très difficile à rapporter. Ceci implique, pour des personnes déjà fragilisées, d’effectuer des démarches complexes en vue de rassembler des documents, sans aucune garantie que la désignation d’avocat sera acceptée in fine. Si l’affaire est urgente, le risque est grand que l’avocat ne puisse pas intervenir à temps. Face à la lourdeur de la tâche, certaines personnes renoncent tout simplement à faire valoir leurs droits.

De leur côté, les avocats ne sont pas indemnisés pour l’accompagnement et le conseil qu’ils prodiguent à leurs clients quant aux démarches à effectuer pour obtenir une désignation. Il s’agit pourtant souvent de plusieurs rendez-vous avec le client, puis de contacts avec le bureau d’aide juridique. Ajouté à l’incertitude totale qui plane sur le montant de la rémunération qu’ils percevront, et à la dévalorisation générale de leur rémunération dans la majorité des matières, ceci a pour conséquence que de nombreux avocats renoncent à intervenir dans le cadre de l’aide juridique. À titre d’exemple, la section « surendettement » du bureau d’aide juridique francophone de Bruxelles a vu le nombre de ses avocats permanents diminuer de moitié depuis l’entrée en vigueur de la loi, le 1er septembre dernier. Elle envisage à présent de fermer purement et simplement ses portes. Ceci aurait pour conséquence que le bureau d’aide juridique francophone de Bruxelles ne serait plus en mesure de désigner un avocat à une personne surendettée… qui n’aurait donc plus qu’à se débrouiller toute seule ! Une situation similaire risque d’ailleurs de se produire dans la majorité des autres matières.

Confrontées à ces différents constats, et à la difficulté concrète de trouver encore des avocats disposés à assister leurs usagers, une vingtaine d’associations a donc décidé d’attaquer cette réforme. Plusieurs d’entre elles avaient déjà attaqué les arrêtés d’exécution de la loi devant le Conseil d’État. L’affaire y est toujours en cours ; comme devant la Cour constitutionnelle, son traitement devrait prendre encore de nombreux mois.

 Le SAD est d’autant plus inquiet que cette réforme s’inscrit dans le cadre d’autres modifications législatives réduisant à chaque fois un peu plus le droit d’accès à la Justice des plus démunis (Loi introduisant l’indemnité de procédure – Loi augmentant les droits de greffe – Loi imposant la TVA sur les prestations d’avocats – etc.).

 Pourtant sans Justice, il n’y a pas de Démocratie possible.

 Si vous aussi, vous avez rencontré/constaté des difficultés d’accès à la justice en raison de l’entrée en vigueur de cette nouvelle législation, vous pouvez en témoigner en remplissant le formulaire disponible en pdf ci-dessous et en l’envoyant au SAD (par fax : 02/503.62.08 ou par mail da@avocat.be)

PDF du formuaire : Témoignage

[1] Il s’agit des ASBL suivantes: Aimer Jeunes, Association pour le Droit Des Etrangers, Association Syndicale des Magistrats, ATD Quart Monde en Belgique – ATD Vierde Wereld in België, Belgisch Netwerk Armoedebstrijding – Réseau belge de Lutte contre la Pauvreté, Atelier des droits sociaux, Bureau d’Accueil et de Défense des Jeunes, Défense des Enfants – International – Belgique – Branche francophone, Intact, Ligue des Droits de l’Homme, Luttes Solidarités Travail, Organisatie voor Clandestiene Arbeidsmigranten, Point d’appui, Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, Service d’action sociale bruxellois, Service international de recherche, d’éducation et d’action sociale, Syndicat des Avocats pour la Démocratie, Vlaams Netwerk van verenigingen waar armen het woord nemen, Vluchtelingenwerk Vlaanderen, Woman’do.

22 décembre 2016 : Mesdames, Messieurs les Ministres, les décisions de justice s’imposent à tous !

L’affaire dite « des visas » défraie la chronique depuis plusieurs mois.

Le SAD n’entend pas ici se prononcer sur le fond de ce dossier.

Ce qui nous parait fondamental, c’est la violation par l’exécutif fédéral d’une décision de justice.

La séparation des pouvoirs est un principe fondamental de nos sociétés démocratiques, qui a pour objectif de prémunir (tous) les justiciables contre l’arbitraire. Il a été mis en place afin que les pouvoirs judiciaire, exécutif et législatif jouent mutuellement comme contre-pouvoir des deux autres, afin d’atteindre un équilibre des pouvoirs.

La séparation des pouvoirs est dès lors un principe garantissant l’existence de tout Etat de droit.

Les déclarations et la multitude de procédures introduites par l’exécutif fédéral constituent des atteintes manifestes et extrêmement dangereuses pour notre Démocratie. Il a en effet ouvertement annoncé qu’il refusait d’exécuter un arrêt de la Cour d’appel.

 Une telle déclaration constitue la négation-même du principe de la séparation des pouvoirs.

 Que faire si l’Etat commence à refuser de rembourser des sommes d’argent lorsqu’une décision de justice le lui impose ? ou de délivrer un permis d’urbanisme ? ou de payer des indemnités en cas de licenciement abusif ? etc.

 Le SAD, comme Avocat.be, l’ASM (Association syndicale des magistrats), la Liga voor Mensenrechten et la Ligue des droits de l’homme, est extrêmement inquiet face à cette attaque frontale sans précédent de notre Démocratie, raison pour laquelle, ensemble, nous avons écrit afin d’alerter le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe.

 Lien Pdf : Lettre au Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

Journée internationale des droits de l’homme, appel au rassemblement le samedi 10 décembre 2016, 13h en haut du Mont des Arts à Bruxelles

Journée internationale des droits de l’homme, appel au rassemblement le samedi 10 décembre 2016, 13h en haut du Mont des Arts à Bruxelles : 

Les droits fondamentaux ne sont pas de simples déclarations sur papier 

Le 10 décembre 2016, nous fêterons les 58 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui garantit à chaque citoyen des droits civils et politiques, ainsi que des droits sociaux, culturels et économiques.

À l’occasion de cette journée internationale, nous avions, l’année passée, déjà manifesté notre inquiétude face aux différentes mesures prises par le gouvernement qui entravent les droits fondamentaux. Cette inquiétude s’est concrétisée et l’année 2017 ne promet rien de bon. Une réaction est indispensable.

2015 : Une longue liste de mesures inefficaces et antidémocratiques

Suite aux attentats, notamment ceux de Paris et Bruxelles, une réaction contre des actes terroristes est nécessaire. L’État a l’obligation de garantir à toute personne une protection contre les atteintes à son droit à la vie et au respect de son intégrité physique. Cependant, cela ne peut se faire au détriment des libertés fondamentales inhérentes à tout État démocratique.

 Or, le gouvernement a mis en place une longue liste de mesures répressives et de contrôle, sans qu’un réel débat ne soit mené ni sur leur portée ou leur utilité ni sur les causes des problèmes.

 Certaines des mesures contre le terrorisme annoncées en 2015 sont déjà entrées en vigueur : possibilité de procéder à des perquisitions 24 heures sur 24, élargissement des méthodes particulières de recherche, mise en place du plan Canal et participation de la Belgique à la guerre en Syrie. La loi dite « Pot-Pourri II » a accéléré le démantèlement du pouvoir judiciaire au profit de l’exécutif, a instauré un allongement de la durée des peines de prison et est une attaque frontale aux droits de la défense. Finalement, le nombre de militaires déployés dans les rues est passé de 180 en 2015 à 1 800 au mois de septembre de cette année. Leur présence est devenue « normale » depuis bientôt deux ans, sans aucun questionnement quant à leur efficacité réelle.

 2016 : Accélération de la politique répressive 

 L’ONG Human Right Watch a souligné dans son récent rapport concernant la Belgique qu’au moins six lois et réglementations adoptées par le gouvernement fédéral menacent les droits fondamentaux, en indiquant par ailleurs qu’une surenchère législative n’est pas la solution pour une société plus sûre.

 Cependant, le gouvernement continue sa politique.

 Le nouveau plan Geens vise entre autres à supprimer le rôle actuel du juge d’instruction en faveur du ministère public. L’enregistrement de tous les usagers de train, bus, avion et bateau dans le fichier PNR sera bientôt soumis au vote à la Chambre. Une proposition de loi visant à permettre la levée du secret professionnel des assistants sociaux du CPAS en cas de suspicion de « terrorisme » lors de visites à domicile est actuellement à l’examen, mesure qui mine tout le rapport de confiance qui doit se construire entre un travailleur social et un usager et revient à demander à un organisme d’aide sociale d’effectuer un travail d’enquête du ressort de la police et de la justice. La Sûreté de l’Etat pourra bientôt appliquer les méthodes particulières de recherches non seulement dans la lutte contre les terroristes, mais également contre les « extrémistes », un terme particulièrement large et flou.

 Précarisation de la société

 Sur le plan social et économique, le gouvernement poursuit par ailleurs sa politique de précarisation initiée dès son entrée en fonction en 2014. On peut citer le saut d’index, le recul de l’âge de la retraite ou encore la généralisation des contrats précaires qui touchent  particulièrement les jeunes et les femmes. Le ‘Loi Peeters’ prévoit d’allonger le temps de travail et de mettre à mal la concertation sociale. Ces différentes mesures ont d’ailleurs été contestées par de larges parts de la société, lors de manifestations rassemblant jusqu’à 120.000 personnes.

 Les membres les plus précarisés de la société, dont les réfugiés, les chômeurs, les personnes malades et les personnes en situation de pauvreté sont particulièrement pris pour cible. Un discours raciste est banalisé et la lutte contre les discriminations n’est pas menée.

 Le droit à l’aide juridique a par ailleurs été limité, ce qui réduit fortement l’accès à la Justice et ne permet pas aux personnes qui en ont le plus besoin de défendre leurs droits et libertés fondamentaux.

 Pour continuer à manifester notre résistance face à ces mesures inacceptables, nous lançons cet appel au rassemblement le jour du 58e anniversaire de la Déclaration des Droits de l’Homme, afin de rappeler que ces droits ne sont pas de simples déclarations mises sur papier, mais doivent rester des garde-fous dans notre société et méritent d’être étendus au lieu d’être restreints.

 Rendez-vous samedi 10 décembre 2016 à 13 heures en haut du Mont des Arts à Bruxelles.

 Signataires de l’appel : Progress Lawyers Network – CNAPD- Bruxelles-Laïque – Le MRAX – Le Syndicat des Avocats pour la Démocratie – Le cabinet d’avocats « Quartier des Libertés » – L’Observatoire international des prisons – L’UPJB, Union des Progressistes Juifs de Belgique

Quand trop, c’est trop ! Appel à soutenir les actions des magistrats du 7 juin 2016

Quand trop, c’est trop ! Appel à soutenir l’action des magistrats du 7 juin 2016

C’est une première, c’est historique : les magistrats ont décidé de mener des actions de grèves tournantes partout à travers le pays.

Les magistrats belges ne sortent généralement pas de leur devoir de réserve. Ils n’ont jamais eu recours à la grève pour se faire entendre, privilégiant toujours la discussion et la négociation.

Toutefois, face aux coupes budgétaires aveugles et aux attaques contre l’indépendance du pouvoir judiciaire, il apparait parfaitement légitime, justifié et même nécessaire de faire entendre sa voix.

Les victimes de l’affaiblissement de la Justice, ce sont les justiciables et, tout particulièrement, les plus précarisés d’entre eux ; en somme, nous tous !

Nous sommes tous concernés par le délitement de l’Etat de droit. Il est donc de notre responsabilité collective d’affirmer à nos gouvernants que le modèle de Justice qu’il prône – une justice de classe/une « entreprise justice » – n’est pas celui auquel nous adhérons et n’est certainement pas celui qui favorisera la paix sociale.

Les revendications des magistrats sont simples : être placés dans des conditions de travail dignes, qui permettent de rendre la Justice sereinement et en toute indépendance.

Les magistrats demandent ainsi au Ministre de la Justice :

– De veiller à ce que les cadres de magistrats soient remplis, conformément à la loi : le travail s’accumule de sorte qu’il est indispensable de donner à la Justice les moyens humains dont elle manque cruellement ;
– De maintenir les pensions de magistrats à un niveau suffisant pour garantir l’indépendance du troisième pouvoir constitutionnel ;
– De permettre une véritable gestion autonome du pouvoir judiciaire et non de le placer sous la coupe de l’exécutif.

Le SAD soutient avec force ces revendications légitimes.

Le SAD souligne, par ailleurs, qu’il ne peut pas y avoir de Justice si les citoyens n’y ont pas effectivement accès.

Ces dernières années ont malheureusement vu fleurir toute une série de législations mettant à mal ce droit fondamental d’accès à la Justice. Le coût des prestations d’avocat a augmenté de 21% (TVA) depuis le 1er janvier 2014. Les droits de greffe ont également considérablement augmenté (parfois près de 55%) . Le gouvernement envisage encore de réformer l’aide juridique et d’imposer le paiement d’un ticket modérateur à tous, même à ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté.

Trop, c’est trop !

Luttons pour une Justice de qualité accessible à tous.

Le SAD appelle tous les citoyens à soutenir l’action des magistrats du 7 juin 2016 qui se déroulera dans tous les palais de justice Royaume.

Réforme de l’aide juridique : venez manifester ce mercredi 27 avril 2016 à 11h

Réforme de l’aide juridique : venez manifester ce mercredi 27 avril 2016 à 11h

Vous avez peut-être déjà été confronté à la justice, ou l’un de vos proches en a fait l’expérience. Vous l’avez alors très certainement remarqué. L’accès à un tribunal est particulièrement difficile, que ce soit à cause des frais en début ou fin de procédure, du langage juridique complexe, des formalités précises à respecter, ou encore à cause des honoraires d’avocat élevés.

La Plateforme « Justice pour tous »[1], dont le SAD est membre, considère que l’heure est grave.

En effet, malgré les différents freins à l’accès à la justice déjà existants, le gouvernement Michel prévoit une « réforme » du système d’aide juridique, qui éloignera encore davantage les personnes les plus démunies des tribunaux.

La réforme prévoit l’imposition d’un ticket modérateur, entre 10 et 50 €, aux bénéficiaires de l’aide juridique. Cette somme devra être payée lors de la première consultation ainsi que pour chaque procédure à introduire. Elle augmente également la charge administrative des avocats bajistes, dont la rémunération est déjà faible de sorte qu’il est fort à craindre que les avocats refusent désormais de défendre les personnes dans le cadre de l’aide juridique[2].

Nous vous invitons dès lors à vous joindre à nous afin de tirer la sonnette d’alarme :

Mercredi 27 avril 2016 – 11.00
Devant les locaux du Bureau d’aide juridique (BAJ)
Rue de la régence, 63
1000 Bruxelles

Le mercredi 27 avril, nous nous rendrons ensemble du Bureau d’aide juridique jusqu’au Ministère de la justice afin d’y remettre la pétition et sa liste des signataires.

La Plateforme « Justice pour tous » soutient qu’un véritable refinancement du système Pro Deo est plus que jamais nécessaire. Vous trouverez les revendications plus complètes dans la pétition bilingue sur le site www.netwerktegenarmoede.be/petitie. Cette pétition a déjà été signée par plus de 100 organisations.

Telecharger : Sauvons l’aide juridique

[1] La Plateforme “Justice pour tous” est actuellement composée de 22 organisations et 5 observateurs. Vous trouverez la liste complète des membres ainsi que plus d’information sur la Plateforme sur le site de la Ligue des droits de l’Homme http://www.liguedh.be/sos-justice

[2] Pour plus de détail, cf le texte « Réforme de l’aide juridique : un pas de plus vers une Justice de classe inaccessible »

Réforme de l’aide juridique : un pas de plus vers une Justice de classe inaccessible

Réforme de l’aide juridique : un pas de plus vers une Justice de classe inaccessible

Chaque citoyen peut être amené, pour une raison ou l’autre (divorce, problème locatif, comparution devant le tribunal de police, …), à être confronté à l’appareil judiciaire. Il devient alors un justiciable.

La multiplication et la complication des règles de droit obligent généralement le citoyen à se faire assister d’un avocat.

Malheureusement, le recours à un avocat et l’accès à la justice deviennent de plus en plus chers. Diverses mesures récentes ont déjà eu un impact négatif sur l’accès à la Justice : TVA de 21% sur les frais et honoraires d’avocats[1], augmentation des droits de greffe d’approximativement 55%, introduction de l’indemnité de procédure à charge du « perdant », etc.

Aujourd’hui, le gouvernement s’attaque aux plus démunis, qui peuvent normalement bénéficier de l’aide juridique de deuxième ligne – d’un avocat pro deo [2].

Le Ministre de la Justice, Koen Geens, estime qu’il existe une « surconsommation » de l’aide juridique et de la justice en général, bien qu’aucune étude ne vienne supporter sa thèse. Dès lors, sous prétexte de « responsabiliser » les bénéficiaires de l’aide juridique et les avocats acceptant de travailler pro deo, il envisage de réformer cette institution.

En réalité, son projet ne vise pas à améliorer la qualité du service rendu – relevant pourtant des missions essentielles de l’Etat – mais bien à décourager les personnes sans ressource de  faire valoir leurs droits en Justice, voire même à leur en rendre l’accès financièrement impossible.

Notre Ministre s’imagine-t-il que les plus pauvres introduisent, pour le plaisir, des procédures judiciaires à l’inverse des nantis ? Croit-il vraiment que les avocats Bajistes ont trouvé leur vache à lait[3] ?

Quoi qu’il en soit, voici les réformes envisagées par le gouvernement en matière d’aide juridique octroyée aux personnes dont le revenu est déjà inférieur au seuil de pauvreté[4] :

  • Paiement d’une contribution (entre 10 et 50 €) dès la première consultation d’un avocat ET ;
  • Paiement d’une contribution (entre 10 et 50 €) pour chaque procédure introduite[5] ET ;
  • Perte pour le citoyen de l’aide juridique s’il obtient gain de cause et obligation de restituer à l’avocat une partie des montants qu’il perçoit, avec un minimum insaisissable de 250€.

Bien que les montants puissent paraître à première vue dérisoires, ces mesures pèseront lourdement sur le justiciable, alors qu’elles ne permettront aucun financement réel de l’aide juridique. Par ailleurs, il revient à l’avocat Bajiste de recouvrer ces sommes…ou de s’en abstenir en renonçant ainsi à cette part de leur rémunération !

Pour les avocats Bajistes aussi, la réforme apporte ses désagréments[6] en augmentant encore leur charge de travail administrative.

Depuis des années, les avocats demandent un refinancement de l’aide juridique de deuxième ligne. Les avocats belges sont en effet extrêmement mal payés, quoi qu’en pense le Ministre, et, dans certains cas, leur rémunération sert uniquement à couvrir leur frais.

L’aide juridique est assurée en Belgique grâce à une enveloppe budgétaire fermée. Voilà en réalité le problème !

Alors que la population s’appauvrit et a de plus en plus besoin des avocats Bajistes, leur rémunération n’a cessé de baisser. Rien dans le projet annoncé du Ministre ne permet raisonnablement de penser que cela va s’améliorer[7]. Or, personne ne peut fournir un travail de qualité s’il n’est pas décemment rémunéré.

Le pouvoir judiciaire est un des trois pouvoirs constitutionnels, auquel tout citoyen devrait pouvoir s’adresser. L’accès à la justice est un droit fondamental que l’Etat est tenu d’assurer ! Par la réforme envisagée, c’est une fois encore le plus pauvre qui est sanctionné de manière inacceptable.

S’inscrivant dans le cadre de réformes à objectif purement budgétaire[8], le projet de modification de l’aide juridique de deuxième ligne est un nouveau coup porté à une Justice digne d’un Etat de droit : accessible, humaine et de qualité.

Ne nous laissons pas faire !

Signez la pétition  la pétition pour le refinancement de l’aide juridique : Non au ticket modérateur !

Pour signer la pétition : http://www.netwerktegenarmoede.be/petitie


[1] Supportée exclusivement par les particuliers, à l’inverse des entreprises qui peuvent déduire la TVA.

[2] Lorsqu’un justiciable n’a pas les moyens financiers suffisants, il peut bénéficier de l’aide juridique totale – on vise les revenus évalués à moins de 953€ pour une personne isolée et de 1224€ pour une personne faisant partie d’un ménage – ou partielle – si les revenus se situent entre 953 et 1224 € pour une personne isolée et entre 1224€ et 1493€ pour une personne faisant partie d’un ménage, le bénéfice de l’aide juridique partielle implique déjà  une contribution pouvant atteindre 125€.

[3] A titre d’exemple, pour une procédure au tribunal du travail, l’avocat doit réaliser les devoirs suivants :

  • Encodage de la demande d’aide juridique (avec  récolte des pièces nécessaires auprès du client) ;
  • Rédaction d’une requête  (ceci requiert l’analyse de la décision attaquée, du dossier administratif, des pièces remises par le client, impression en plusieurs exemplaires, déplacement au palais/frais de poste) ;
  •  En fonction des arguments de la partie adverse, il est parfois nécessaire qu’il rédige en plus des conclusions :
  • Présence à une ou deux audiences ;
  • Plaidoiries (requiert une certaine préparation, présence à l’audience) ;
  • Un ou plusieurs rendez-vous son client ;
  • Clôture de ses prestations dans le système d’aide juridique.

Concrètement, l’avocat pro deo ne sera payé qu’un an et demi après la clôture de la procédure. Il ne gagnera qu’entre 375 € et 450 € brut pour un tel dossier.

[4] « Plus de 15% des Belges vivent sous le seuil de pauvreté », disponible sur http://www.lalibre.be/actu/belgique/plus-de-15-des-belges-vivent-sous-le-seuil-de-pauvrete-55114de33570c8b952cbe6dc

 « Le seuil de pauvreté est fixé à 1.074 euros par mois pour un isolé et à 2.256 euros pour un ménage avec deux enfants ».

[5] A noter, aucune distinction n’est faite selon qu’on introduise une procédure ou qu’on se défende dans le cadre d’une procédure. Rien n’est prévu dans l’hypothèse où la personne gagné son procès et avait donc raison de saisir la justice. Rien n’est prévu dans l’éventualité où une administration retire un acte illégal pour en reprendre un autre similaire.

[6] Détermination du caractère suffisant des moyens d’existence, récupération de la contribution à chaque désignation, procédure, récupération d’honoraires en cas de gain de cause, risque financier de ne pas récupérer les contributions dues par le justiciable.

[7] Le Ministre envisage de créer un Fond qui serait alimenté par des sommes à verser par les personnes condamnées au pénal. D’une part, ce fond n’est pas encore créer. D’autre part, l’on s’interroge sur les montants qui pourront effectivement être recouvrés de la sorte. Enfin, on n’aperçoit pas le motif justifiant que le refinancement de l’aide juridique soit uniquement mis à charge des « délinquants », qui doivent déjà s’acquitter de sommes à destination du Fonds d’aide aux victimes des actes intentionnels de violence.

[8] Le Ministre est censé économiser 20% du budget – déjà insuffisant – qui lui est actuellement alloué.