Le SAD, le centre de santé mentale Ulysse, l’association Belgo-Palestinienne et la Ligue des Droits humains citent l’État belge afin que les demandes d’asile des Palestiniens soient traitées avec la diligence requise

Le 7 octobre, le Hamas a lancé une terrible attaque contre Israël, tuant 1.200 personnes et en blessant plus de 5.000. Cette agression a été suivie par une campagne de bombardements indiscriminés sur la Bande de Gaza, d’une ampleur sans précédent. Plus de 34.000 Palestiniens ont été tués, plus de 77.000 ont été blessés et la situation humanitaire s’aggrave chaque jour. La Cour Internationale de Justice estime que la situation s’apparente à un génocide[1].

En Belgique, près de 3000 Palestiniens attendent une décision concernant leur demande de protection internationale. Ce temps d’attente s’élève à plusieurs mois, voire plusieurs années.

Cette attente les prive non seulement d’une reconnaissance rapide de leur statut de protection, mais également de pouvoir faire valoir leurs droits rattachés à ce statut, tel que le droit au regroupement familial avec les membres de leur famille restés à Gaza. Cette situation d’attente a également entrainé une détérioration flagrante de l’état psychologique des demandeurs.

Conformément à la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (ci-après « la loi »), le Commissariat-Général aux Réfugiés et aux Apatrides (ci-après « CGRA ») doit se prononcer sur les demandes d’asile dans les six mois de leur introduction[2]. Ce délai peut uniquement être prolongé dans certaines situations spécifiques, énumérées de manière exhaustive par la loi, et à condition que le demandeur soit dûment informé de la prorogation du délai. Cependant, ni la loi, ni la directive européenne dans cette matière (ci-après « la directive »)[3] ne prévoient de sanction en cas de dépassement de ce délai.

La loi prévoit par ailleurs que le CGRA se prononce en priorité sur certaines demandes, notamment lorsque la demande est probablement fondée[4]. Il s’agit pour le CGRA, au vu de l’utilisation de l’indicatif utilisé dans le libellé de la disposition légale, d’une obligation et non d’une faculté. Le « délai prioritaire » n’est cependant défini ni par la loi, ni par la directive.

En pratique, le CGRA ne respecte pas le délai légal de six mois. Il n’existe pas non plus de politique mise en place au sein du CGRA visant au traitement prioritaire des demandes d’asile probablement fondées, comme celles des gazaouis.

Le 15 mars 2024, le SAD, le centre de santé mentale Ulysse et l’association Belgo-Palestinienne ont cité l’État belge, devant la chambre des référés du Tribunal de première instance de Bruxelles afin de remédier à la situation d’attente illégale que subissent les demandeurs d’asile palestiniens. La Ligue des Droits Humains s’est jointe à cette action pour la soutenir. Ces associations sollicitaient notamment que l’État belge soit condamné à respecter le délai de six mois prévu par la loi pour le traitement d’une demande de protection internationale, spécifiquement pour les demandes probablement fondées des ressortissants palestiniens.

Le 24 avril 2024, après avoir déclaré le recours recevable au vu de l’objet social des différentes associations, le Tribunal de première instance leur a donné partiellement raison.

Le Tribunal a considéré que le délai au bout duquel une décision doit intervenir de la part du CGRA est à déterminer au cas par cas et, qu’en ce qui concerne les demandes de protection internationale probablement fondées, le législateur s’était volontairement abstenu de prévoir un délai de traitement spécifique.

Le Tribunal a toutefois reconnu que la loi oblige le CGRA à informer les demandeurs de protection internationale lorsque le délai de six mois n’est pas respecté et, le cas échéant, de fournir une explication concernant les motifs justifiant le dépassement du délai. Le Tribunal a dès lors condamné l’État belge à informer chaque demandeur d’asile ayant introduit une demande avant le 27 février 2024, toujours sans réponse, du dépassement du délai légal. Si le demandeur en fait la demande, l’État belge devra lui fournir une explication dans un délai de 15 jours ouvrables.

Le SAD estime cette décision décevante. Elle laisse les demandeurs d’asile, par définition dans une situation de vulnérabilité extrême, sans protection effective face au déficit de l’Etat belge de traiter avec la diligence requise, pour tout individu raisonnable et prudent[5], les demandes des Palestiniens. Ces demandes de protection internationale, au regard de la situation dramatique notoirement connue à Gaza, devraient pourtant recevoir un traitement prioritaire. Puisque la loi prévoit que la durée normale d’une demande d’asile est de six mois, il est manifestement déraisonnable de traiter de telles demandes en 12 ou 18 mois, parfois plus. Ce, d’autant plus que les dommages psychologiques de l’attente, sur les Palestiniens, compte tenu de l’angoisse terrible suscitée par les attaques israéliennes toujours en cours, sont objectivés.

Les associations estiment que les Cours et Tribunaux sont compétents pour statuer sur la question du traitement prioritaire des demandes d’asile introduites par les personnes d’origine palestinienne ainsi que sur la question du délai dans lequel les demandes prioritaires, dans les circonstances particulières soumises, doivent être traitées. Le 7 mai 2024, elles ont fait appel de l’ordonnance.  

Lire l’ordonnance du 24 avril 2024 http://lesad.be/tpi-2024-04-24-ordonnance-gaza/


[1] CIJ, Afrique du Sud c. Israël, https://www.icj-cij.org/fr/affaire/192

[2] Article 57/6 de la loi du 15.12.1980

[3] Directive 2013/32/UE relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (directive 2013/32/EU)

[4] Article 57/6, §2 de la loi du 15.12.1980

[5] Critère permettant d’engager la responsabilité des personnes physiques comme morales, de droit privé comme public – art. 1982 et suivants de l’ancien Code civil