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Communiqué de l’AED sur le conflit en Ukraine

Communiqué de l’AED sur le conflit en Ukraine

L’AED dénonce l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, et souhaite exprimer toute sa solidarité aux avocats et avocates ukrainiens et plus généralement à l’ensemble de la population vivant en Ukraine.

L’offensive militaire est incompatible avec le respect de l’intégrité territoriale et l’indépendance de l’Ukraine et constitue une violation des articles 2 et 33 de la Charte des Nations Unies qui exigent des États un règlement pacifique des différends, sans menace, ni recours à la force de telle manière que la paix et la sécurité internationales, ainsi que la justice ne soient pas mises en danger.

Les États doivent respecter les obligations, valeurs, libertés et principes fondamentaux énoncés dans la Charte des Nations Unies, le Statut du Conseil de l’Europe, la Convention européenne des droits de l’homme et l’ensemble des principes généraux du droit international public et du droit international humanitaire.

L’AED salue la décision du comité des ministres du Conseil de l’Europe de suspendre, avec effet immédiat, la Fédération de Russie de son droit de représentation au sein du Comité des Ministres et de l’Assemblée parlementaire

L’ouverture d’une enquête par le procureur de la Cour pénale internationale sur les possibles exactions commises durant ce conflit et l’examen par la Cour internationale de justice de demandes de mesures conservatoires présentées par l’Ukraine constituent indéniablement une avancée majeure en faveur de la prééminence du droit.

L’AED espère que de telles réactions se poursuivront partout où des conflits éclatent et où des États violent le droit international, le droit humanitaire et le droit international des droits de l’Homme.

Alors que plus de 1,5 million de réfugiés ont fui l’Ukraine en dix jours, l’activation du dispositif de protection temporaire prévue par la directive n° 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 constitue une réponse adaptée mais insuffisante à cette situation exceptionnelle.

L’AED regrette toutefois que cette procédure n’ait pas été mise en œuvre pour les précédentes crises humanitaires pourtant similaires.

Tous les réfugiés et toutes les réfugiées doivent être accueillis dignement, quel que soit leur pays d’origine, leur couleur de peau, ou les raisons de leur départ.

L’AED dénonce les différentes prises de paroles qui se sont succédées parmi les responsables européens consistant à établir deux catégories de réfugié.e.s : celles et ceux qui  « nous ressemblent  » et pour lesquels tout devrait être fait pour les accueillir dignement et les autres, qui ne sont manifestement pas les bienvenu.e.s.

L’AED condamne le fait que des résident.e.s ressortissant.e.s de pays tiers originaires, qui subissent tout autant le conflit en cours, se retrouvent face à des violences racistes et bloqué.e.s à la frontière de l’Union européenne.

Alors que les précédents conflits ont montré à maintes reprises que le déclenchement de conflits et de guerres accroît l’exposition des femmes et des filles aux crimes de guerre, en particulier à toutes les formes de violence sexiste, aux exécutions arbitraires, aux viols et à la traite, l’AED demande instamment que des mesures efficaces soient mises en place pour protéger les femmes et les filles contre les violences sexistes, et pour garantir la pleine responsabilité des responsables de ces crimes.

Le droit international humanitaire et des droits de l’homme doivent être respectés dans le cadre des conflits armés.

 

JOURNEE DE L’AVOCAT EN DANGER du 24 JANVIER 2022: LA SITUATION DES AVOCATS EN COLOMBIE

JOURNEE DE L’AVOCAT EN DANGER : 24 JANVIER 2022

LA SITUATION DES AVOCATS EN COLOMBIE

L’Association des Avocats Européens Démocrates (AED, dont est membre le Syndicat des Avocats pour la Démocratie), Avocats.be, la F.I.D.H.,  l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Bruxelles, le C.C.B.E et A.S.F  lancent un appel à manifester ce 24 janvier 2022 à 13h devant l`ambassade de Colombie (avenue Franklin Roosevelt, 96 A à Ixelles) pour la défense de la défense.

Le 24 janvier de chaque année, depuis 2009, les avocats se réunissent pour attirer l’attention sur la situation de leurs confrères menacés, persécutés, réduits au silence emprisonnés et même assassinés. Les années précédentes, la Journée de l’Avocat en Danger s’est intéressée aux pays suivants : Azerbaïdjan, Chine, Egypte, Honduras, Iran, Philippines, Espagne (Pays Basque), Turquie et Pakistan.

Cette année, pour la deuxième fois, la Journée de l’Avocat en Danger est dédiée à la Colombie, où la persécution des avocats continue, empêchant nos confrères d’exercer librement leur profession.

Les avocats sont plus particulièrement menacés lorsqu’ils représentent des clients dans des affaires liées au droit de l’environnement, à la restitution des terres ou à la Juridiction Spéciale pour la Paix.

Selon un rapport du FASOL (Fonds de solidarité avec les juges colombiens), qui date de 2014, plus de 700 avocats ont été tués dans les dix années précédentes et plus de 4400 ont subi différents types d’agressions[1]. Le FASOL a, de même, enregistré entre janvier 2019 et avril 2021, parmi les professionnels du secteur judiciaire, 6 homicides, 26 faits de menaces,  et 12 attaques.

De nombreux confrères, qui font face à des menaces extrêmement sérieuses, ne sont pas protégés par l’Etat. La Colombie reste par ailleurs en défaut d’enquêter efficacement sur les faits de menaces contre les avocats et de poursuivre adéquatement les auteurs.

Certains confrères, impliqués dans des dossiers sensibles, sont également la cible de campagne de diffamation, ce qui les expose plus particulièrement aux menaces et augmente le risque d’atteinte à leur vie.

Enfin, il n’existe pas de Barreau indépendant en Colombie ce qui nuit à la défense des intérêts des avocats, tant au niveau national que local.

Ce 24 janvier, nous vous attendons devant l’ambassade afin de soutenir nos confrères colombiens et de dénoncer les atteintes graves et toujours plus nombreuses à leurs droits et libertés.

Pour les avocats, le port de la toge est conseillé. Pour chacun, le port du masque est obligatoire.

Pour plus d’informations, veuillez prendre connaissance du rapport sur la situation des avocats en Colombie et la pétition lancée par les diverses associations participant à la manifestation (en annexe).

[1] Il y a lieu de noter que ces chiffres sont probablement sous-évalués

EN -Final Report Colombia 2022_DEF ESP -Final Report Colombia_DEF

ESP -Final Report Colombia_DEF

Pétition Colombia 2022

RASSEMBLEMENT CE 16 NOVEMBRE 2021, 12 h 30 EN SOUTIEN AUX AVOCATS MENACÉS EN TURQUIE

RASSEMBLEMENT CE 16 NOVEMBRE 2021, 12 h 30 EN SOUTIEN

AUX AVOCATS MENACÉS EN TURQUIE

L’Association des Avocats Européens Démocrates (A.E.D., dont est membre le S.A.D.), ainsi que d’autres associations d’avocats, dont la Fédération des Barreaux Européens (F.B.E, dont fait partie Avocats.be) lancent un appel à manifester ce 16 novembre 2021 à 12 h 30 devant le Consulat Général de Turquie (rue Montoyer n° 4 à 1000 Bruxelles) pour la défense de la défense.

 Depuis 2011, de nombreux avocats turcs ont fait l’objet d’arrestations massives et de procès collectifs. Suite à la tentative de coup d’Etat en juillet 2016, le président Erdogan a restreint encore davantage les droits et libertés des avocats et autres défenseurs des droits de l’Homme. Certaines associations d’avocats ont tout simplement été interdites. Environ 1600 avocats ont été poursuivis et des centaines ont été condamnés à de lourdes peines de prison. Des missions d’observations, menées par différents barreaux et associations d’avocats, ont pu établir le caractère manifestement inéquitable des procès menés contre nos confrères. Certains de ces procès sont toujours en cours et une audience est notamment fixée ce 17 novembre 2021.

  Le métier d’avocat consiste à représenter les individus, à faire valoir leurs intérêts devant les juridictions nationales et internationales. Les attaques personnelles portées à nos confrères turcs dans l’exercice de leur profession sont intolérables et extrêmement dangereuses pour la société en général. L’avocat doit en effet pouvoir exercer sa profession de manière libre et indépendante. Si les voix de nos confrères se retrouvent muselées, c’est l’arbitraire du pouvoir qui gagne davantage de terrain dans sa course à l’extinction des valeurs démocratiques.

La possibilité pour les avocats d’exercer librement et indépendamment leur profession est un corollaire nécessaire à l’existence de tout Etat de droit. Les poursuites iniques diligentées contre nos confrères turcs constituent une grave avancée vers l’autoritarisme, qui laisse le peuple turc sans défense.

Ce 16 novembre 2021, nous vous appelons dès lors à nous rejoindre, avocats en toge ou « simples » citoyens, devant le Consulat Général de Turquie afin de dénoncer les graves atteintes aux droits et libertés de nos confrères turcs et de demander leur libération immédiate.

Turquie : « Le procès de toute une profession »

« Le procès de toute une profession »

Communiqué de presse publié par la mission juridique d’établissement des faits, qui s’est déroulée à Istanbul du 15 au 20 septembre 2021, pour surveiller et observer les procès de masse en cours contre des avocats en Turquie.

Un groupe d’environ 30 avocats de Belgique, de France, d’Allemagne, d’Italie, des Pays-Bas, de Norvège, d’Espagne et de Suisse, représentant des organisations internationales, des barreaux et le CCBE, a participé à la mission d’établissement des faits à Istanbul du 15 au 20 septembre 2021 pour surveiller et observer des procès de masse contre des avocats en Turquie. Les participants à la mission ont observé deux audiences, rendu visite à des avocats détenus dans les prisons à sécurité maximale d’Edirne, Kandıra et Silivri et ont rencontré le président de l’Ordre des avocats d’Istanbul, des membres des équipes de défense et d’autres avocats en Turquie.

Plusieurs procès contre des membres de l’organisation d’avocats Çağdaş Hukukçular Derneği (ÇHD) ont lieu actuellement dans lesquels 28 avocats pénalistes sont accusés d’appartenir à un groupe terroriste. Certains des prévenus ont déjà été reconnus coupables et condamnés à des peines de prison ; d’autres sont toujours en détention provisoire. Tous les avocats en question ont été condamnés ou font face à des accusations résultant de l’exercice de leurs activités professionnelles. En violation des Principes de base des Nations unies relatifs au rôle du barreau, les avocats sont, d’une part, assimilés aux causes de leurs clients et, d’autre part, restreints dans leur liberté d’expression, qui inclut le droit de prendre part aux discussions publiques sur les droits de l’homme. L’objectif principal de la mission d’établissement des faits était de déterminer si les standards relatifs au procès équitable étaient respectés. Un rapport détaillé sur les observations et les conclusions suivra.

En ce qui concerne les audiences judiciaires, les questions les plus importantes pour la défense étaient, d’une part, la mise en liberté de Selçuk Kozağaçlı, Barkın Timtik et Oya Aslan qui sont actuellement en détention provisoire et, d’autre part, les règles de procédure quant aux éléments de preuve, notamment le fait d’avoir pleinement accès aux prétendus éléments de preuve. Le 15 septembre, l’équipe de défense de 148 avocats comptait dix Bâtonniers de barreaux régionaux. Dans leurs concises mais convaincantes déclarations, les Bâtonniers ont exprimé que, en maintenant les allégations formulées contre les prévenus, c’est la profession juridique elle-même qui est mise en jugement. Après avoir rappelé à la Cour que le système judiciaire arbitraire actuellement en vigueur en Turquie peut également se retourner contre le tribunal lui-même, les 10 Bâtonniers ont appelé la cour à « écrire l’histoire » en assurant un procès équitable et la mise en liberté des prévenus actuellement en détention provisoire. Néanmoins, à l’issue de l’audience observée le 20 septembre 2021, la Cour a finalement décidé d’accéder à la demande formulée depuis le début des procès par la défense et a accepté de rechercher les originaux des preuves apparemment disponibles jusqu’à présent uniquement sous forme de copies.

Les observateurs ont appris que les conditions carcérales dans les prisons de type F et de haute sécurité sont particulièrement dures, en raison des restrictions disproportionnées des droits fondamentaux, dont notamment le droit de maintenir le contact avec d’autres personnes. Ces conditions difficiles sont encore aggravées par le COVID-19.

Les procès contre les avocats du CHD font partie d’un schéma de plus large ampleur, consistant à attaquer les avocats en Turquie et à les assimiler à leurs clients. Les avocats sont injustement incriminés et poursuivis pour avoir exercé leurs fonctions professionnelles. Cela est particulièrement vrai lors qu’il s’agit d’affaires politiquement sensibles. Selon les observateurs, les standards applicables au procès équitable ne sont pas respectés dans les affaires qu’ils ont observées. Il s’agit d’une violation flagrante du droit international.

Par conséquent, nous exigeons la libération immédiate de tous les avocats incarcérés simplement parce qu’ils exercent leurs devoirs et fonctions d’avocats et/ou exercent leurs droits à la liberté d’expression. Nous continuerons d’insister sur l’indispensable respect des principes fondamentaux de l’État de droit, y compris le droit à un procès équitable.

Comme l’a si pertinemment formulé Irma van den Berg, Présidente de Lawyers for Lawyers : « Les avocats jouent un rôle essentiel dans la défense de l’État de droit et la protection des droits de l’homme. L’État turc devrait garantir leur protection, et non pas engager des poursuites ».

Organisations représentées :

UIA-IROL (Institut pour l’État de droit de l’Union Internationale des Avocats)

Conseil des barreaux européens (CCBE)

Avocats Européens Démocrates (AED)

Association Européenne des Juristes pour la Démocratie & les Droits de l’Homme (EJDH/ELDH)

ECBA-HRC (European Criminal Bar Association – Human Rights Committee)

Observatoire International des Avocats en Danger (OIAD)

Asociación Libre de Abogados y Abogadas (ALA)

Syndicat des Avocats pour la Démocratie (SAD)

Syndicat des Avocats de France (SAF)

Lawyers for Lawyers

Défense Sans Frontières – Avocats solidaires (DSF-AS)

Conférence des Bâtonniers de France

Conférence du Grand Ouest

Barreau de Rennes (France)

Barreau de Bordeaux (France)

Barreau des Hauts de Seine (France)

Ordre des Barreaux Francophones et Germanophone de Belgique (OBFG/Avocats.be)

Barreau de Bruxelles (francophone) (Belgique)

Barreau de Liège-Huy (Belgique)

Justis Lawyers Group (Belgique)

Barreau de Berlin (Allemagne)

German New Associations of Judges – international section

Swiss Democratic Lawyers

Unione Camere Penali Italiani (UCPI)

Norwegian Bar Association Human Rights Committee

 

Statement issued by :

UIA-IROL (Institut pour l’État de droit de l’Union Internationale des Avocats)

Conseil des barreaux européens (CCBE)

Avocats Européens Démocrates (AED)

Association Européenne des Juristes pour la Démocratie & les Droits de l’Homme (EJDH/ELDH)

ECBA-HRC (European Criminal Bar Association – Human Rights Committee)

Asociación Libre de Abogados y Abogadas (ALA)

Syndicat des Avocats pour la Démocratie (SAD)

Syndicat des Avocats de France (SAF)

Lawyers for Lawyers

Défense Sans Frontières – Avocats solidaires (DSF-AS)

Barreau de Bordeaux (France)

Ordre des Barreaux Francophones et Germanophone de Belgique (OBFG/Avocats.be)

Barreau de Bruxelles (francophone) (Belgique)

Barreau de Liège-Huy (Belgique)

Justis Lawyers Group (Belgique)

Barreau de Berlin (Allemagne)

German New Associations of Judges – international section

Unione Camere Penali Italiani (UCPI)

Swiss Democratic Lawyers

Norwegian Bar Association Human Rights Committee

Courte analyse de l’arrêt du 10 juin 2021 annulant l’augmentation des droits de rôle

Courte analyse de l’arrêt du 10 juin 2021 annulant l’augmentation des droits de rôle

La Cour constitutionnelle s’est prononcée, le 10.6.2021, sur le recours introduit par plusieurs membres de la Plateforme Justice pour Tous[1] (PJPT) contre la loi du 14.10.2018 réformant les droits de greffe[2].

Elle a annulé l’augmentation des droits de rôle pour les justiciables dont les revenus se situent entre les anciens et les nouveaux seuils de l’aide juridique, dont la cause a été inscrite au rôle entre le 1.2.2019 et le 31.8.2020, qui ont fait l’objet d’une condamnation au paiement des droits de mise au rôle au plus tard le 31.8.2020.

  1. Le coût de l’exercice du droit à l’accès au juge peut représenter une charge considérable, voire impayable

Reprenant les observations du Conseil d’Etat et du Conseil Supérieur de la Justice dans le cadre des travaux préparatoires, la Cour a rappelé la charge financière totale liée à l’engagement d’une procédure judiciaire, et le fait que la pression financière sur les procédures judiciaires a systématiquement augmenté depuis plus de dix ans.

La Cour, pour la première fois, compare les frais de justice au revenu mensuel moyen des ménages. Elle retient que le coût total d’une procédure judiciaire (frais d’avocat et appel compris) peut représenter plus de 220 % du revenu mensuel moyen des ménages dont les moyens d’existence se situent juste au-delà du plafond fixé pour bénéficier de l’aide juridique avant la réforme de l’aide juridique par la loi du 31.7.2020[3]. Ces personnes, dont les revenus pour un isolé se situent entre 1026 € et 1517 €, et pour un ménage entre 1317 € et 1807 € (auxquels s’ajoutent 194,39 € par personne à charge), représentent un nombre non négligeable de justiciables, dit la Cour, « vu le revenu médian des ménages belges, mensuel estimé à un peu moins de 2000 € ».

La Cour juge par ailleurs, comme la Plateforme l’a toujours dénoncé, que ce coût peut constituer une charge excessive « quelle que soit (…) l’étape de la procédure à laquelle ces couts sont dus ». Le législateur avait en effet soutenu que l’augmentation des droits de rôle n’avait pas d’impact sur le droit d’accès à un juge, en déplaçant le paiement des droits de rôle du début à la fin de la procédure.

  1. L’annulation a une portée limitée

La Cour annule l’augmentation des droits de rôle[4] pour les justiciables dont les revenus pour un isolé se situent entre 1026 € et 1517 €, et pour un ménage entre 1317 € et 1807 € (auxquels s’ajoutent 194,39 € par personne à charge), dont la cause a été inscrite au rôle entre le 1.2.2019 et le 31.8.2020, qui ont fait l’objet d’une condamnation au paiement des droits de mise au rôle au plus tard le 31.8.2020.

Le paiement des droits de rôle est sollicité par le SPF Finances. Concrètement, le justiciable qui se trouve dans le cas de figure visé par l’arrêt peut solliciter l’application des droits de rôle applicables avant l’entrée en vigueur de la loi du 14.10.2018.

Depuis le 1.9.2020, la catégorie de justiciables visée par la Cour est bénéficiaire de l’aide juridique, de sorte qu’elle est dispensée du paiement des droits de rôle.

  1. Le travail de la Plateforme continue

La Plateforme est consciente que l’annulation prononcée par la Cour sera difficilement mise en pratique. Outre la question de l’information du justiciable, se pose la question de l’application rétroactive de l’arrêt et de la charge de la preuve qui incombe au justiciable, notamment pour démontrer les revenus de son ménage durant la période litigieuse.

La Plateforme salue toutefois l’arrêt commenté, en ce qu’il reconnait la pression financière importante représentée par les procédures judiciaires sur le budget d’une part non négligeable de ménage, et aboutit à une annulation partielle des normes attaquées. La Plateforme se réjouit que cette pression financière soit objectivée au regard du revenu médian[5].

Elle salue également la demande de la Cour, formulée à l’attention du législateur, de prendre en compte l’« inégalité relative des armes (…) pour adapter le cas échéant les règles relatives à l’aide juridictionnelle, compte tenu des coûts réels de la procédure. » Toute nouvelle réforme ayant pour effet l’augmentation globale des frais de justice devra s’accompagner d’une augmentation des plafonds de l’aide juridique.

Par contre, la Plateforme déplore le fait que la Cour juge « légitimes » les objectifs « de réaliser des économies budgétaires, de renforcer la participation raisonnable du justiciable aux frais de la procédure, et de promouvoir les formes alternatives de résolution des litiges » en augmentant les frais de justice. Il est en effet inadmissible que des économies budgétaires soient réalisées sur le dos du justiciable, que la justice soit financée par le justiciable, et que le non-accès au juge soit organisé afin de promouvoir les formes alternatives de résolution des litiges (non prises en charge par l’aide juridique).

La Plateforme réitère que la justice est un service public, qui doit être financé par le budget fédéral, afin qu’il soit accessible à tous.

[1] Le Syndicat des Avocats pour la Démocratie, l’Atelier des Droits Sociaux, le Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté, le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, la Ligue des droits humains et L‘Association Syndicale des Magistrats.

[2] Loi du 14.10.2018 modifiant le Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe en vue de réformer les droits de greffe, M.B. 20.12.2018.

[3] Entrée en vigueur le 1.9.2020

[4] La Cour résume comme suit les augmentations attaquées : « Les dispositions attaquées augmentent les droits de mise au rôle dans les procédures devant toutes les juridictions judiciaires, respectivement de 30, 31 ou 40 euros à 50 euros (une augmentation de 25 à 66,6 %) pour les justices de paix et les tribunaux de police, de 30, 60 ou 100 euros à 165 euros (une augmentation de 65 à 450 %) pour les tribunaux de première instance et les tribunaux de l’entreprise, de 210 euros à 400 euros (une augmentation de 90,5 %) pour les cours d’appel et de 375 euros à 650 euros (une augmentation de 73,3 %) pour la Cour de cassation. »

[5] Lorsque toutes les observations sont classées par ordre de grandeur croissante, le revenu médian est la valeur se trouvant au milieu. Par définition, 50% des observations sont inférieures à la valeur moyenne et 50% supérieures. Le revenu médian est beaucoup moins influencé par les extrêmes dans les réponses que le revenu moyen. Source : https://www.luttepauvrete.be/des-faits-et-des-chiffres/des-faits-et-des-chiffres-definition-pcm/

La Cour constitutionnelle annule la hausse des droits de greffe et reconnait que l’accès à la justice était trop couteux pour de nombreux·ses citoyen·ne·s

La Cour constitutionnelle annule la hausse des droits de greffe et reconnait que l’accès à la justice était trop couteux pour de nombreux·ses citoyen·ne·s

Sans action de l’Etat, la décision de la Cour naura que peu d’effets :
la Plateforme justice pour tou·te·s demande au ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, d’agir !

Ce 10 juin 2021, la Cour constitutionnelle a donné raison à plusieurs membres de la Plateforme Justice pour Tou·te·s[1] (PJPT), qui avaient attaqué en justice la loi du 14 octobre 2018 réformant les droits de greffe[2], taxes perçues pour l’inscription d’une affaire auprès d’un tribunal. La hausse des droits de greffe décidée par l’ancien gouvernement Michel était illégale : le cout d’accès à la justice était devenu trop élevé pour de nombreux·ses citoyen·ne·s. Les associations saluent cet arrêt dans lequel la plus haute Cour du pays juge que le droit d’accès à un·e juge ne peut être démesurément entravé par des barrières financières. Mais les effets de l’annulation prononcée par la Cour sont limités. Pour une justice réellement accessible financièrement, il faut aller plus loin. Sans intervention du législateur, l’arrêt n’aura que trop peu d’effets.

En 2018, pour des motifs d’économie budgétaire, de renforcement de la participation du justiciable aux frais de la procédure et de promotion des formes alternatives de conflit[3],  le gouvernement Michel avait décidé de fortement augmenter le cout des droits de greffe. Ceux-ci étaient passés :

  • Pour la justice de paix et le tribunal de police, de 30, 31 ou 40 euros à 50 euros (+ 25 à 66,6 %)
  • Pour les tribunaux de première instance et les tribunaux de l’entreprise, de 30, 60 ou 100 euros à 165 euros (+ 65 à 450 %)
  • Pour les cours d’appel, de 210 euros à 400 euros (+ 90,5 %)
  • Pour la Cour de cassation, de 375 euros à 650 euros (+ 73,3 %)

Ce 10 juin, la Cour constitutionnelle a annulé partiellement cette augmentation. La pression financière sur les procédures judiciaires a systématiquement augmenté depuis plus de dix ans, et les droits de greffe ne peuvent être appréhendés de manière isolée. Comparant l’ensemble des frais de justice au revenu mensuel moyen des ménages, la Cour a estimé que les frais dune procédure judiciaire peuvent représenter plus de 220 % du revenu mensuel médian des ménages. Pour les justiciables qui sont situé·e·s juste au-dessus du seuil actuel (taux isolé) permettant de bénéficier d’un·e avocat·e pro-deo[4], cela revient à près de 300 %[5]. C’est une victoire pour la PJPT, qui a toujours dénoncé le caractère prohibitif des couts de justice à chaque étape de la procédure judiciaire.

L’annulation n’est cependant pas totale, et surtout, elle risque bien de n’avoir que peu d’impacts si le Gouvernement fédéral n’agit pas proactivement. L’augmentation n’est annulée que pour les procédures intentées entre février 2019 et aout 2020, qui étaient clôturées en aout 2020, et pour les seuls justiciables dont les revenus sont situés entre les anciens et les nouveaux plafonds de l’aide juridique[6]. La plupart des personnes concernées ont donc déjà payé les droits de greffe auxquels elles ont été condamnées. Il est par ailleurs peu probable que ces justiciables (dont les ressources ont peut-être été affectées par la pandémie et qui sont accaparé·e·s par d’autres urgences) soient informé·e·s de cet arrêt technique, et se manifestent. La PJPT appelle donc le gouvernement De Croo et le ministre Van Quickenborne à agir proactivement pour identifier les personnes bénéficiaires de l’annulation prononcée par la Cour, et organiser leur remboursement.

La PJPT attire enfin l’attention du législateur sur la demande de la Cour de prendre en compte l’« inégalité relative des armes (…) pour adapter le cas échéant les règles relatives à l’aide juridictionnelle, compte tenu des coûts réels de la procédure. » Toute nouvelle réforme ayant pour effet l’augmentation globale des frais de justice devra s’accompagner d’une réhausse des plafonds de l’aide juridique.

La Plateforme rappelle que la justice est un service public, qui doit être financé par le budget fédéral, afin qu’il soit accessible à toutes et tous.

[1] Le Syndicat des Avocats pour la Démocratie, l’Atelier des Droits Sociaux, le Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté, le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, la Ligue des droits humains et l‘Association Syndicale des Magistrats.

[2] Loi du 14.10.2018 modifiant le Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe en vue de réformer les droits de greffe, M.B. 20.12.2018.

[3] Ces objectifs sont qualifiés de légitimes par la Cour. La Plateforme les dénonce : Il est en effet inadmissible que des économies budgétaires soient réalisées sur le dos du justiciable, que la justice soit financée par le justiciable, et que le non-accès au juge soit organisé afin de promouvoir les formes alternatives de résolution des litiges (non prises en charge par l’aide juridique)

[4] L’aide juridique permet de bénéficier de la gratuité totale ou partielle des services d’un avocat pro-déo

[5] Montant à provisionner pour une procédure-type pour une personne isolée qui en 2019 était juste au-dessus des seuils de l’aide juridique partiellement gratuite : 4393,5 € / 1.317 € = 333,6 % d’un mois de revenus.

Pour le cout de la même procédure avec les seuils 2021 :  4393,5 / 1.517 = 289,6 % d’un mois de revenus.

[6]  Une réforme de septembre 2020 a augmenté de 200 euros ces plafonds. Les justiciables visés sont ceux dont les revenus pour un isolé se situent entre 1026 € et 1517 €, et pour un ménage entre 1317 € et 1807 € (auxquels s’ajoutent 194,39 € par personne à charge)