CARTE BLANCHE

Le SAD est signataire de la Carte blanche suivante: Carte blanche publiée dans Le Soir

Nous dénonçons la complaisance, qui frôle la compromission, de Robert Spano, Président de la Cour européenne des droits de l’homme, vis-à-vis de la Turquie

Avec 254 autres signataires, à l’initiative de l’ASM, le SAD dénonce la complaisance du Président de la CEDH envers le régime turc autoritaire. Lettre ouverte à la CEDH publiée dans La Libre Belgique:

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges,

C’est parce que notre considération et notre respect pour l’institution que vous servez sont immenses, que nous nous adressons à vous. En nos qualités de juges, procureurs, avocats, professeurs d’université, nous sommes pétris depuis nos études et dans nos activités quotidiennes des enseignements et de la jurisprudence de votre juridiction. La Cour européenne des droits de l’homme, pilier de la construction européenne, constitue pour tout démocrate et défenseur des droits, le rempart ultime contre l’arbitraire, l’illégalité et la dictature. Il s’agit d’une vigilance de tous les instants, aucun Etat n’étant à l’abri de commettre – volontairement ou involontairement – des violations de la Convention de sauvegarde des droits et libertés.

Certains Etats membres du Conseil de l’Europe sortent malheureusement du lot, par la fréquence – la systématisation même – et la gravité extrême des violations commises. Parmi eux, la Turquie, qui a basculé dans un régime d’oppression et de dictature depuis la répression du « coup d’Etat » manqué du 15 juillet 2016. Votre Cour ne peut ignorer la gravité de la situation puisque sur les 60.000 affaires actuellement pendantes devant votre juridiction, pas moins de 10.000 sont introduites à l’encontre de l’Etat turc.

Vous savez aussi que, à l’occasion de ces évènements, 2.800 juges ont été démis de leurs fonctions en une seule nuit, dont 500 se trouvent encore en prison quatre années plus tard. 4.500 juges seront révoqués illégalement et 2.500 d’entre eux privés de liberté dans les jours ou semaines après le 15 juillet 2016. Une purge d’une telle ampleur met manifestement à mal l’indépendance des juges encore en place, sans parler de ceux qui ont été rapidement nommés par le pouvoir parmi ses fidèles. D’autres purges ont visé les intellectuels, professeurs d’universités, enseignants, journalistes et avocats, en un mot les milieux où s’exerce une pensée libre, qui ne plie pas face au totalitarisme.

Monsieur Robert Spano, Président de votre Cour, s’est rendu en visite officielle en Turquie du 3 au 5 septembre 2020, ce qui a suscité un grand émoi dans le pays et dans l’Europe tout entière. On aurait pu se féliciter d’un tel déplacement, s’il avait eu pour objectif de condamner, sur place et devant les principaux responsables des crimes commis, les atteintes incessantes et inacceptables aux fondements de l’Etat de droit, ainsi que de rencontrer les milieux qui résistent à l’oppression. Malheureusement, le Président s’est contenté de serrer les mains et de rencontrer les représentants du pouvoir en place, à commencer par le chef de l’Etat, Recep Tayyip Erdogan.

Certes, dans ses discours officiels, ainsi, on l’espère, que dans le huis clos des conversations privées, le Président Spano a rappelé l’importance de l’Etat de droit et des principes qui en découlent, à commencer par le caractère contraignant des arrêts de votre Cour.

Mais, poser sur les clichés officiels en compagnie du Président turc, accepter le titre de docteur honoris causa des mains du recteur de l’université d’Istanbul (dont 192 membres du corps académique ont été « purgés » à l’occasion du « coup d’Etat »), rencontrer le maire fantoche de la ville de Mardin, alors que le maire élu, Ahmet Türk, a été évincé en raison de son appartenance au parti d’opposition et accusé de terrorisme comme 500.000 de ses concitoyens, ces actes relèvent de la complaisance et participent de la légitimation du pouvoir en place. Comment Monsieur Spano espère-t-il conserver son apparence d’impartialité, dès lors qu’il n’a pas jugé utile de profiter de son séjour sur place pour rencontrer également des opposants au régime, des O.N.G., des représentants des barreaux, voire de rendre visite en prison à un des 50.000 prisonniers d’opinion (journalistes, enseignants, académiques, avocats, magistrats) qui y croupissent toujours ?

Cette complaisance, qui frôle la compromission, nous la dénonçons fermement aujourd’hui.

Il renforce la légitimité et le sentiment d’impunité du Président Erdogan. Le message envoyé par ce déplacement officiel du Président Spano nous heurte, dès lors qu’il mine le mince espoir qui subsistait dans le chef des citoyens turcs, qu’une institution internationale telle que votre Cour exige la cessation immédiate des violations subies depuis tant d’années. D’autre part, la portée symbolique du voyage du Président Spano est de nature à affaiblir la crédibilité de la Cour européenne des droits de l’homme, socle de nos systèmes juridiques depuis 1950 et, dès lors de l’ensemble du mécanisme de protection internationale des droits humains. Enfin, en acceptant de limiter ses rencontres au régime autocratique et à ses sbires, Monsieur Spano a, indirectement peut-être, renforcé la légitimité et le sentiment d’impunité du Président Erdogan et de ceux, parmi nos dirigeants européens, qui trouvent en lui une source d’inspiration.

Pour l’ensemble de ces considérations, nous vous demandons de reconnaître publiquement que ce déplacement du Président Spano n’a pas été guidé par des motifs judicieux. Nous attendons de votre Cour qu’elle joue son rôle en rappelant sans plus attendre, par ses décisions, ses déclarations et les actes publics de ses représentants, les valeurs fondamentales sur lesquelles repose la Convention européenne des droits de l’homme. Et qu’elle continuer de jouer son rôle de phare, dans la nuit que traversent depuis quatre ans les citoyens turcs.

Confiants de l’attention que vous porterez à notre demande, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les juges, l’expression de notre plus haute considération.

« Justice must not only be done, it must also be seen to be done »

Cf. https://www.lalibre.be/debats/opinions/nous-denoncons-la-complaisance-qui-frole-la-compromission-de-robert-spano-president-de-la-cour-europeenne-des-droits-de-l-homme-vis-a-vis-de-la-turquie-5f6a2ad5d8ad58621952f457

 

 

 

Turquie: les associations interpellent les Ministres belges en faveur des avocats turcs en danger

Turquie: les associations interpellent les Ministres belges en faveur des avocats turcs en danger

Ce 2 septembre 2020, suite au décès de l’avocate Ebru Timtik et face à la situation critique d’Aytac Unsal, le Conseil des barreaux européens, Avocats.be, le Syndicat des Avocats pour la Démocratie, la Fédération Internationale pour les Droits Humains, Avocats Sans Frontières, l’ordre français du Barreau de Bruxelles, le Barreau du Brabant wallon, le Barreau de Liège, le Barreau du Luxembourg et le Barreau de Namur ont adressé une pétition au Ministre des affaires étrangères, Philippe Goffin, et le Commissaire européen à la Justice, Didier Reynders en vue d’une intervention auprès des autorités turcs.

Disponible ici : Interpellation

Toutes ces associations se réjouissent infiniment. En effet, le 3 septembre 2020, la Cour Suprême de Turquie a ordonné la libération provisoire d’Aytac Unsal.

Pour le respect des droits fondamentaux, restons mobilisés.

Turquie : Ebru Timtik est morte, sauvons Aytaç Unsal

Ebru Timtik est morte, sauvons Aytaç Unsal

Les avocats Ebru Timtik et Aytaç Unsal, condamnés à respectivement 14 ans et 11 années de prison, ont décidé de faire une grève de la faim illimitée pour dénoncer le procès injuste dont plusieurs dizaines d’avocats turcs font l’objet. Ils demandent à pouvoir bénéficier d’un
procès équitable.

Ce jeudi 27 août 2020, nous avons appris avec une peine immense le décès de Ebru Timtik, en grève de la faim depuis 238 jours. Aytaç Unsal est toujours en grève de la faim aujourd’hui et sa libération pour raisons de santé a déjà été rejetée.

Depuis 2017, vingt avocats turcs appartenant à la Progressive Lawyers Association et au People’s Law Office font l’objet de poursuites judiciaires injustes. Les avocats poursuivis se sont illustrés pour avoir pris la défense des familles des mineurs massacrés à Soma et Ermenek, des populations expulsées de leur maison car victimes de la transformation urbaine, des familles des citoyens tués sous la torture dans les postes de police et dans les prisons, de ceux jugés pour leurs opinions, des fonctionnaires, travailleurs et des défenseurs des libertés,…

Connus pour avoir défendu des personnes considérées comme des opposants au gouvernement turc, ces avocats font l’objet de procès politiques. Malgré la présence assidue d’observateurs internationaux, la justice n’est rendue ni de manière impartiale, ni de manière indépendante.

Les accusations de terrorisme dont font l’objet ces avocats sont uniquement fondées sur de vagues déclarations de témoins anonymes, dont certains ont admis être en situation de détresse psychologique au moment de ces déclarations.

Ces avocats ont été condamnés, à ce jour à un total cumulé de plus de 159 années de prison fermes. Ils sont accusés d’appartenance à une organisation terroriste, pour avoir simplement exercé leur métier.

Nous demandons la libération immédiate de Aytaç Unsal, afin qu’il ne subisse pas le même sort qu’Ebru Timtik.

Nous demandons également le respect, sans délai, du droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme à laquelle la Turquie est partie.

Avocats.be – Avocats Sans Frontières – Conseil des barreaux européens – Fédération internationale pour les droits humains – Syndicat des Avocats pour la Démocratie – Barreau de Bruxelles – Barreau du Brabant wallon – Barreau de Liège

24 août 2020: Jeûner et manifester pour soutenir les avocats turcs persécutés, grévistes de la faim depuis 6 mois

Jeûner et manifester pour soutenir les avocats turcs persécutés, grévistes de la faim depuis 6 mois

Depuis 2017, vingt avocats turcs appartenant à la Progressive Lawyers Association et au People’s Law Office font l’objet de poursuites judiciaires injustes. Elles sont justifiées par les autorités turcs du simple fait de l’exercice de leur profession par nos Confrères.

Connus pour avoir défendu des personnes considérées comme des opposants au gouvernement turc, ces avocats font l’objet de procès politiques.  Malgré la présence assidue d’observateurs internationaux, la justice n’est rendue ni de manière impartiale, ni de manière indépendante. Lorsque certains juges ont décidé de mettre fin à la détention préventive de nos Confrères, ils ont été récusés et les avocats à nouveau arrêtés. L’identité de plusieurs témoins est tenue secrète, ce qui empêche une contradiction effective de leur « témoignage ». De plus, certaines personnes ont été entendues à distance, par vidéo, empêchant de vérifier leur identité ainsi que leur libre arbitre. Les demandes de devoirs d’instruction complémentaires, formulées par la défense, ont systématiquement été rejetées. De surcroit, les avocats qui défendent nos Confrères incarcérés ont régulièrement été interrompus ou escortés hors de la salle d’audience durant les plaidoiries.

Suite à cette parodie de justice, nos Confrères ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement[1].

Les avocats Ebru TIMTIK et Aytac ÜNSAL ont ainsi été condamnés, respectivement, à 13 ans et 6 mois de prison et 10 ans et 6 mois de prison.

Depuis le 20 février 2020, ils sont en grève de la faim afin de dénoncer la violation de leur droit au procès équitable et la partialité du pouvoir judiciaire turc.

Ils ont annoncé une grève de la faim illimitée.

Après six mois, leur état de santé, aggravé par leurs mauvaises conditions de détention et la crise sanitaire, est critique.

Avocats.be, le Syndicat des avocats pour la démocratie (SAD) et de nombreuses autres organisations suivent de près la situation de ces avocats depuis le début de leur procès. Considérant les nombreuses violations du droit au procès équitable dont ils sont victimes et la gravité de leur état de santé, elles appellent à leur libération immédiate.

En solidarité avec Ebru et Aytac, des avocats belges ont décidé de jeûner lundi prochain et une manifestation est organisée ce lundi 24 août 2020, de 12h30 à 13h30, devant le consulat de Turquie à Bruxelles (Rue Montoyer, 4 à 1000 Bruxelles).  Ces actions sont soutenues par Avocats.be, le Syndicat des avocats pour la démocratie, l’Ordre français du Barreau de Bruxelles et la FIDH. Des récits d’opposants politiques emprisonnés seront lus tout au long de la journée.

Pour l’occasion, une page facebook a été créée : https://www.facebook.com/Avocats-belges-en-grève-de-la-faim-freeebruandaytac-105606254598444/

Ainsi qu’un évènement : https://www.facebook.com/events/242542586874927/?notif_t=plan_admin_added&notif_id=1597991084100232

[1] A l’heure actuelle, un appel devant la Cour Suprême de Turquie est toujours en cours.

Appel urgent à faire cesser la détention arbitraire des avocats turcs, grévistes de la faim depuis plus de 100 jours !

Appel urgent à faire cesser la détention arbitraire des avocats turcs, grévistes de la faim depuis plus de 100 jours !

 Il est urgent de faire cesser la détention arbitraire des avocats turcs, grévistes de la faim depuis plus de 100 jours. Il faut agir avant le 30 mai 2020, pour les raisons ci-après expliquées. Merci pour eux !

Vingt avocats, membres de l’Association des Avocats Contemporains, qui se sont illustrés pour avoir pris la défense

 des familles des mineurs massacrés à Soma et Ermenek,

  • des populations expulsées de leur maison car victimes de la transformation urbaine,
  • des familles des citoyens tués sous la torture dans les postes de police et dans les prisons,
  • de ceux jugés pour leurs opinions, des fonctionnaires, travailleurs et des défenseurs des libertés

 font l’objet de poursuites du fait de l’exercice de leur métier, depuis 2017. Ils sont  jugés sur base de vagues décalrations de témoins tenus secrets.

 Leur libération avait accordée mais, suite à l’appel du procureur, cette décision a été réformée par la Cour d’appel. De plus, les membres du Tribunal, qui s’étaient prononcés pour leur libération, ont immédiatement été relevés de leurs postes et déplacés. La pression est intense.

 L’incarcération de ces avocats a pour but de les condamner au silence et de faire oublier les affaires qu’ils plaidaient. Leurs clients, laissés sans défense, ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement, motivées politiquement, en violation du droit à un procès équitable.

Tout au long des audiences, visant les avocats incarcérés, les déclarations de leurs avocats ont été interrompues. Leurs micros ont été tout simplement coupés. Ils ont même été expulsés de la salle d’audience. Les demandes d’instruction supplémentaires ont été rejetées, avant même d’être présentées au Tribunal, qui a tout simplement décidé de ne pas les prendre en considération.

Les avocats turcs membres de l’Association des Avocats Contemporains ont été condamnés, en première instance, pour des motifs aberrants comme l’énumération du nombre de visites à leurs clients en prison, leur assuidité à assister leurs clients et même leurs demandes officilles d’obtention de copies des enregistrements vidéo contenus dans leurs dossiers. Leur condamnation est par ailleurs fondée sur les déclarations d’un témoin secret, relatant le contenu de prétendus documents qui n’ont jamais été versés, soustraiots dès lors à toute contradiction.

Les avocats Ebru Timtik et Aytaç Unsal, toujours en détention préventive et condamnés avec les autres avocats à un total cumulé de plus de 159 ans de prison fermes, ont décidé de faire une grève de la faim illimitée pour dénoncer le procès injuste dont ils ont fait l’objet et demander un procès équitable. Ils sont maintenant en grêve de la faim depuis plus de 100 jours leur système  immunitaire est considérablement affaibli.

L’ampleur de la pandémie du Covid-19, sa vitesse de propagation, les risques accrus liés au milieu carcéral, le fait que les audiences et les jugements sont suspendus, l’état de santé particulièrement précaire et les atteintes manifestes aux droits fondamentaux de ces avocats, jugés dans le cadre de poursuites politiques, imposent leur libération immédiate.

C’est la raison pour laquelle une requête urgente, en ce sens, va être adressée auprès de la Présidence de la 16ème chambre de la Cour de cassation turque.

Pour soutenir cette action, merci d’adresser un mail avant le 30 mai 2020, à serifecerenuysal@gmail.com en indiquant soutenir “The petition for the liberation of Selçuk KOZAĞAÇLI, Aycan ÇİÇEK, Aytaç ÜNSAL, Barkın TİMTİK,  Behiç AŞÇI, Ebru TİMTİK, Engin GÖKOĞLU” ainsi que vos coordonnées.

 

Mail type:

“ Objet : Petition for appeal

Hello,

I am writing following the call broadcast by the SAD for support for hunger strikers lawyers.

I hereby confirm that I want to be a signatory of the petition for the liberation of Selçuk KOZAĞAÇLI, Aycan ÇİÇEK, Aytaç ÜNSAL, Barkın TİMTİK, Behiç AŞÇI, Ebru TİMTİK, Engin GÖKOĞLU

 I am               Nom + Prénom

Profession/membre d’association/citoyen de X pays

Pays

Best

 

 

COVID-19 et Conseil du contentieux des étrangers : les personnes étrangères doublement discriminées

COVID-19 et Conseil du contentieux des étrangers : les personnes étrangères doublement discriminées

Notre pays connaît une période difficile. Le gouvernement doit disposer de pouvoirs pour traverser cette crise, mais dans le respect de nos principes fondamentaux.

Le S.A.D (Syndicat des avocats pour la démocratie), l’ASM (Association syndicale des magistrats), la LDH (Ligue des droits humains), l’ADDE (Association pour le droit des étrangers), et le CIRE (coordination initiatives pour réfugiés et étrangers) s’inquiètent de la dernière mouture du texte d’Arrêté royal de pouvoirs spéciaux qui prévoit le report de tous les délais de procédure, « à l’exception de ceux devant le Conseil du contentieux des étrangers ». Les délais seraient donc prolongés pour préserver les droits de la défense des justiciables, mais pas pour les demandeurs d’asile ou les candidats au séjour pour lesquels les délais de recours et de mise en état des dossiers resteraient d’application.

Un nouveau projet d’arrêté royal, relatif cette fois à la mise en place pour le Conseil du contentieux des étrangers (ci-après le CCE) d’une procédure électronique, crée une seconde discrimination entre les justiciables devant le Conseil d’Etat, et les juridictions civiles et pénales d’une part, et les étrangers requérants devant le CCE d’autre part.

Une première série d’informations au sujet de l’informatisation de la procédure devant le CCE avait été communiquée aux praticiens à la mi-février 2020. Le projet était toutefois à l’arrêt suite à la nécessité de modifications législatives et l’absence de gouvernement disposant des pleins pouvoirs. La crise sanitaire a bousculé l’agenda, justifiant l’octroi de pouvoirs spéciaux au gouvernement.

Trois systèmes coexistent actuellement afin de communiquer, par voie électronique, des pièces de procédure aux Cours et Tribunaux : le système « e-proadmin », gratuit et géré par le Conseil d’Etat, qui permet de communiquer des écrits au Conseil d’Etat ; le système « e-Deposit », gratuit, développé par le SPF Justice, qui permet de communiquer des écrits aux juridictions civiles et pénales ; le système « DPA-Deposit », développé par les Ordres des avocats (Avocats.be et OVB), payant, qui permet également de communiquer des écrits aux juridictions civiles et pénales. Les justiciables et leurs avocats, devant les juridictions civils et pénales, ont par conséquent le choix entre une plateforme gratuite et une plateforme payante développée par un acteur privé, cette dernière offrant par ailleurs d’autres options (communication entre avocats, notamment).

L’arrêté royal en projet vise à faire application de la DPA-Deposit devant le CCE. Cette plateforme privée et payante est imposée aux étrangers et à leur avocat, sans accès à e-Deposit. Par ailleurs, le CCE est une juridiction administrative. De par sa nature, il est comparable au Conseil d’Etat (par ailleurs compétent en cassation administrative des arrêts du CCE). Le système « e-proadmin » pourrait être adapté pour inclure les échanges avec le CCE. Ce n’est toutefois pas l’option étudiée par le gouvernement.

Une autre particularité du droit des étrangers retient l’attention. Les pouvoirs publics seront les principaux bénéficiaires des économies réalisées par le recours à une procédure électronique au CCE, vu les nombreux envois recommandés réalisés par le CCE, l’Office des étrangers et le Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides. Les coûts de mise en place et fonctionnement d’une procédure électronique au CCE devraient par conséquent être pris en charge par les pouvoirs publics, et ne peuvent reposer sur l’étranger, seule partie à la cause qui assumera les coûts de la DPA-Deposit.

Le développement d’une procédure électronique ne peut qu’être salué, surtout en cette période de confinement, mais pas s’il s’agit d’une procédure qui restreint l’accès à la justice, et qui discrimine les étrangers et leurs avocats.

La communication dans le cadre de la procédure électronique devrait être gratuite pour tout justiciable.

 

Signataires : le S.A.D (Syndicat des avocats pour la démocratie), l’ASM (Association syndicale des magistrats), la LDH (Ligue des droits humains), l’ADDE (Association pour le droit des étrangers), et le CIRE (coordination initiatives pour réfugiés et étrangers)

Contact presse : Sarah JANSSENS (pour le Syndicat des Avocats pour la Démocratie), sj@kompaso.be